Promesse d’embauche en CDD : les mentions obligatoires du CDD ne sont pas requises

Jurisprudence
Embauche

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne une salariée engagée, d'abord en contrat CDD du 2 décembre 1991 au 25 février 1992 en qualité de sténodactylo pour remplacer une salariée en congé-maternité, puis à compter du 25 février 1992 selon contrat CDI pour occuper un emploi de secrétaire commerciale standardiste.

En dernier lieu, la salariée exerce des fonctions de technico-commerciale.

Le 22 novembre 2011, son employeur lance une procédure de licenciement économique, la salariée ayant accepté le 6 décembre 2011 un contrat de sécurisation professionnelle, a par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 décembre 2011 reçu notification de son licenciement.

Mais à la suite de la rupture de son contrat de travail, elle saisit la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes à titre d'indemnité de requalification de son contrat à durée déterminée. 

La salariée met en avant le fait que la promesse d’embauche, lors de son recrutement en CDD, ne mentionnait pas la qualification professionnelle de la personne qu’elle devait remplacer au titre du congé de maternité.

L’absence de cette information, obligatoire dans le cadre d’un CDD de remplacement, avait selon la salariée pour effet d’entrainer la requalification du CDD conclu dans ce cadre. 

Dans un premier temps, la Cour d’Appel de Reims dans son arrêt du 3 décembre 2014 donne raison à la salariée.

La promesse d’embauche produisant les effets d’un véritable contrat de travail, le contenu obligatoire d’un contrat CDD de remplacement devait également y figurer.

L’absence de cette information avait donc pour effet de déclencher le versement d’une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Extrait de l’arrêt :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1242-12 du code du travail ; 
Attendu que pour condamner l'employeur à verser à la salariée une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient qu'il apparaît aux termes du document du 31 octobre 1991, qui confirme les conditions d'embauche, que celui-ci constituait le contrat et qu'il était taisant sur la qualification professionnelle de la salariée remplacée, en sorte qu'il n'y avait plus de possibilité de régulariser par le document du 2 décembre 1991, date du début d'exécution du contrat ; qu'au surplus, aucun des documents n'est signé par la salariée de sorte qu'il n'est pas avec certitude acquis que le document du 2 décembre 1991 a été rédigé avant le début d'exécution du contrat, ce qui exclut de le considérer comme complétant utilement le contrat du 31 octobre 1991 ;

Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.

Selon les juges, les dispositions légalement prévues à l’article L 1242-12 du Code du travail, déterminant les mentions obligatoires du CDD, ne sont pas applicables à une promesse d’embauche. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que le document du 2 décembre 1991, qui avait été régulièrement produit aux débats, comportait une signature pour la salariée et que les dispositions de l'article L. 1242-12 du code du travail ne s'appliquent pas à une promesse d'embauche, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit recevables les demandes de la salariée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne l'employeur à lui verser une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois, et le condamne à verser à la salariée une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'arrêt rendu le 3 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°15-11138

Commentaire de LégiSocial

Cet arrêt, qui nous semble inédit, est important car il permet de mieux entrevoir les conséquences d’une promesse d’embauche.

C’est l’occasion pour nous d’en rappeler quelques notions importantes.

Promesse d’embauche = engagement de l’employeur

La Cour de cassation s’est de nombreuses fois prononcée à ce sujet.

Il s’avère que la promesse d’embauche engage véritablement l’employeur, elle a en fait valeur de contrat de travail. 

Ainsi une promesse d’embauche, même verbale, a été considérée comme un engagement liant l’employeur à la personne sur le point d’être engagée.

Cour de cassation du 12/04/1995, arrêt 91-44249

En revanche, la Cour de cassation dans son arrêt du 12/07/2006 (arrêt 04-47938 BCV) a considéré qu’une promesse d’embauche ne mentionnant ni l’emploi, la rémunération, date d’embauche ou temps de travail n’avait pas valeur d’engagement et ne liait pas le futur employeur et le futur salarié. 

Un cas particulier : une convention de stage avec Pôle Emploi

La Cour de cassation dans son arrêt du 05/04/2005 (arrêt 02-45636), a considéré que l’employeur qui signe une convention de stage avec Pôle Emploi, en désignant le demandeur d’emploi bénéficiaire d’une promesse d’embauche, s’engage totalement. 

Promesse d’embauche établie avec des moyens « modernes »

Une promesse d’embauche adressée par télécopie a été reconnue comme valable et à ce titre comme un engagement de l’employeur.

Cour de cassation du 16/05/2007 arrêt 06-40665 FD

Une promesse d’embauche par mail semble être reconnue, car le code civil indique dans son article L 1316-1 que : 

Une promesse d’embauche par mail semble être reconnue, car le code civil indique dans son article L 1316-1 (abrogé au 1er octobre 2016) et remplacé par l’article L 1174, que :

Article 1316-1

Créé par Loi n°2000-230 du 13 mars 2000 - art. 1 JORF 14 mars 2000

L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

Article 1316-1

Créé par Loi n°2000-230 du 13 mars 2000 - art. 1 JORF 14 mars 2000

Abrogé par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 3

L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité

Article 1174

Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 2

Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l'article 1369.

Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même.

Même par téléphone !

Une promesse d’embauche par téléphone a été reconnue par la Cour d’appel du 06/01/1987, arrêt 2216/86.

Dans cette affaire, les juges ont considéré que la concomitance des deux évènements suivants prouvait la réalité de la promesse :

  • le fait que l’employeur avise son futur salarié qu’il va l’embaucher suite à des tests réussis et qu’il peut démissionner de son emploi actuel ;
  • la date de démission de l’ancien poste.

Promesse non tenue par l’employeur : les conséquences.

Conséquence pour un contrat CDI  

Le non-respect de la promesse d’embauche est considéré comme un licenciement.

Cour de cassation du 02/02/1999, arrêt 95-45331

La promesse d’embauche est un contrat de travail, ne pas tenir cet engagement s’analyse comme une rupture pouvant ouvrir droit à versement de dommages-intérêts

Cour de cassation 16/12/2009 arrêt 08-43023 FD

Rompre une promesse d’embauche, s’analyse en une rupture du contrat avant son exécution qui oblige l’employeur à verser une indemnité compensatrice de préavis.

Cour de cassation 04/12/2001, arrêt 91-44288 D

Conséquence pour un contrat CDD : 

Si le contrat est rompu avant même le début d’exécution du contrat, l’employeur se trouvera dans l’obligation de verser des dommages intérêts dont le montant minimum correspond à : 

  • Salaires de la totalité du contrat CDD ;
  • Plus l’indemnité de précarité calculée sur les mêmes salaires. 

Cour de cassation 26/09/2002 pourvoi numéro 00-42581 

Rupture promesse d’embauche= licenciement abusif 

Un employeur propose par écrit d’engager un salarié en indiquant

  • son salaire d’embauche ;
  • la nature de son emploi ;
  • ses conditions de travail ;
  • la date et le lieu de sa prise de fonction. 

Mais un mois plus tard, l’employeur indique par courrier qu’il n’entend pas donner de suite à cette promesse d’embauche. 

L’ex-futur salarié saisit la justice afin d’obtenir réparation. 

La Cour de cassation donne raison au demandeur en indiquant que :

Le courrier qui avait été adressé et dans lequel figuraient des informations comme la rémunération, l’emploi et la date d’entrée faisait office de contrat de travail. 

De plus, les juges estiment que le fait de se rétracter doit s’analyser comme une rupture du contrat de travail, assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Doivent être versés au salarié des dommages et intérêts ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.  

Cour de cassation 15/12/2010 Arrêt 08-42.951

Retour sur l’affaire présente

Au sein de l’arrêt que nous commentons aujourd’hui, la Cour de cassation a rendu son arrêt en relevant que le document établi le premier jour d’exécution du contrat de travail avait été signé par la salariée, ce document contenant parfaitement les mentions obligatoirement prévues par le code du travail.

C’est ainsi que la Cour de cassation en a déduit que l’indemnité de requalification n’était pas due présentement.