Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un salarié exerçant en dernier lieu les fonctions de conseiller en gestion de patrimoine.
Son contrat de travail prévoit une rémunération fixe égale au SMIC majorée d'une somme forfaitaire de 230 € en remboursement des frais professionnels, et une rémunération variable composée de commissions et gratifications qui « incluront une indemnité de 10 % correspondant à un complément de remboursement forfaitaire des frais professionnels et une indemnité au titre des congés payés ».
Le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Selon le salarié, l’indemnité forfaitaire prévue contractuellement au titre des frais professionnels ne lui en fait jamais été versées depuis son arrivée dans l’entreprise, soit depuis 7 années.
Selon le salarié, l’employeur déduisait cette indemnité des commissions exigibles.
Dans son arrêt du 8 octobre 2014, la Cour d'appel de Paris donne raison au salarié.
En effet, en effectuant la comparaison entre les bulletins de paie et les relevés mensuels de commissions que la rémunération totale figurant sur les bulletins de paie était toujours égale au montant des commissions brutes dues au salarié lorsque celles-ci dépassent le minimum garanti égal au SMIC.
Le montant des commissions indiqué sur les bulletins de paie, au lieu d'être égal à celui figurant sur les relevés de commissions calculées en fonction du chiffre d'affaires et déduction faite de la rémunération de base ( salaire de base + congés payés + forfait de 230 €) comme le prévoit le contrat, était artificiellement déterminé en déduisant en outre l'indemnité complémentaire de 10 % alors que celle-ci doit s'y ajouter.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi formé par l’employeur, confirmant ainsi que la prise d’acte repose sur des griefs justifiés et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Information supplémentaire, l’employeur est condamné à rembourser les indemnités forfaitaires de remboursement de frais qui ont été à tort intégrées dans les commissions, soit la somme de 29.888,66 €
Extrait de l’arrêt :
Attendu que la cour d'appel, qui, appréciant les faits et la portée des éléments de preuve, a constaté que les manquements de l'employeur à l'obligation de rembourser le salarié des frais professionnels qu'il avait réellement exposés étaient établis, a pu décider, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que le comportement déloyal de l'employeur qui s'était maintenu sur plusieurs années en affectant significativement la rémunération versée au salarié caractérisait un manquement grave aux obligations contractuelles empêchant la poursuite du contrat de travail ; que le moyen, devenu sans portée en sa première branche, n'est pas fondé ; (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; (…)AUX MOTIFS QUE « Sur le remboursement des frais professionnels
M. X... expose que l'indemnité forfaitaire complémentaire pour les frais professionnels prévue dans le contrat du 3 mars 2003 ne lui a jamais été versée car l'employeur la déduisait des commissions exigibles.
Le contrat de travail du 3 mars 2013 prévoit que la partie fixe de la rémunération est constituée d'un salaire de base égal au SMIC mensuel, majoré d'une indemnité brute de 10 % au titre des congés payés et de la somme brute de 230 € correspondant au remboursement forfaitaire des frais professionnels ; que la partie variable versée sur le seuil de déclenchement mensuel fixée à 100% du traitement de base atteint comprend en outre une indemnité de 10 % correspondant à un complément de remboursement forfaitaire de frais professionnels et une indemnité de 10 % au titre des congés payés.Or, il résulte de la comparaison entre les bulletins de paie et les relevés mensuels de commissions que la rémunération totale figurant sur les bulletins de paie est toujours égale au montant des commissions brutes dues au salarié lorsque celles-ci dépassent le minimum garanti égal au SMIC.
Il apparaît en effet que le montant des commissions indiqué sur les bulletins de paie, au lieu d'être égal à celui figurant sur les relevés de commissions calculées en fonction du chiffre d'affaires et déduction faite de la rémunération de base ( salaire de base + congés payés + forfait de 230 €) comme le prévoit le contrat, est artificiellement déterminé en déduisant en outre l'indemnité complémentaire de 10 % alors que celle-ci doit s'y ajouter.
Les pièces versées au dossier du salarié établissent que pour chaque mois ouvrant droit à la rémunération variable, l'indemnité complémentaire pour frais a été déduite des commissions exigibles, le salarié percevant un salaire brut égal aux commissions générées.Les pièces versées au dossier du salarié établissent que pour chaque mois ouvrant droit à la rémunération variable, l'indemnité complémentaire pour frais a été déduite des commissions exigibles, le salarié percevant un salaire brut égal aux commissions générées.
M. X... peut donc prétendre sur la période non prescrite au remboursement des indemnités forfaitaires de remboursement de frais qui ont été à tort intégrées dans les commissions, soit la somme de 29 888,66 €
Commentaire de LégiSocial
Nous profitons de la présente affaire pour rappeler quelques principes concernant les frais professionnels
Définition
Ils correspondent à des frais que le salarié a engagés, non pour convenance personnelle, mais pour accomplir sa mission dans l’entreprise.
Juridiquement, il s’agit des « charges inhérentes à la fonction ou à l’emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions ».
Les frais professionnels sont des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du salarié, que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de son travail.
Site de l’URSSAF au 19/09/2011
Il peut s’agir de frais de missions (restaurant, déplacement, hôtellerie…) que l’entreprise prend à sa charge :
- soit en payant directement le restaurateur ou l’hôtelier ;
- soit en remboursant le salarié des frais qu’il a payés ;
- soit en versant au salarié une indemnité ou allocation forfaitaire pour couvrir en totalité ou partiellement les frais ainsi exposés.
Allocations pour frais professionnels ≠ élément de rémunération
Les allocations (ou indemnités) versées dans ce cadre sont réputées ne pas constituer un élément de rémunération, et ne sont donc pas prises en compte pour :
- Les indemnités de congés payés ;
- Les indemnités compensatrices de congés payés ;
- Les indemnités de licenciement ou de départ en retraite ;
- Les indemnités compensatrices de préavis ;
- Les IJSS (Indemnités Journalières de Sécurité Sociale) ;
- Etc.
Présentation sur le bulletin de paye
Les sommes effectivement reçues par le salarié au titre des frais professionnels peuvent être indiquées au pied du bulletin de paye.
Sous réserves de certaines conditions, elles ne sont pas soumises aux cotisations sociales.
Extrait du bas du bulletin de paie :
Net après retenues | 1.500 | |
---|---|---|
Primes et indemnités non soumises à cotisations | Remboursement de frais professionnels | 300 |
Net à payer | 1.800 |
Cas particulier des abattements (DFS)
Si l’entreprise pratique les DFS (Déduction Forfaitaire Spécifique) appelées aussi l’abattement, la rédaction sur le bulletin de paie diffère grandement.
Cet abattement peut être pratiqué pour certains emplois encadrés par des dispositions fiscales, citons par exemple les VRP (Voyageurs Représentant Placiers) et les salariés du secteur BTP ou les journalistes.
Dans ce cas, l’assiette des cotisations est constituée par le montant global des rémunérations y compris, le cas échéant, les remboursements de frais professionnels, mais ils restent de toute façon exclus de la base CSG/CRDS.