Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée verbalement à compter du 20 février 2009 en qualité de vendeuse.
Les parties conviennent de l'établissement d'un contrat de travail à durée déterminée en date du 1er avril 2010 d'une durée de 7 mois comportant une période d'essai d'un mois.
Le 3 mai 2010, la gérante de la société notifie à la salariée la fin du contrat.
La salariée saisit la juridiction prud'homale de demandes relatives tant à l'exécution qu'à la rupture de la relation contractuelle.
Elle conteste notamment le fait qu’elle ait été soumise à une nouvelle période d’essai lors de la conclusion du second contrat CDD prenant effet au 1er avril 2010, cette période d’essai doit être déclarée nulle et par voie de conséquence sa rupture au 3 mai de la même année.
De son côté, l’employeur conteste cette argumentation, au motif :
- D’une part, que la salariée exerçait une activité à temps plein sur ce nouveau contrat CDD (initialement, la salariée était à temps « très partiel ») ;
- Et que d’autre part, elle était affectée à une autre boutique.
La Cour d’appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt du 20 février 2015, déboute la salariée de sa demande, retenant les arguments mis en avant par l’employeur.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, l'arrêt énonce que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes retenant que la période d'essai comprise dans le contrat signé par la salariée était justifiée par le fait qu'elle était employée dans une boutique différente de celle où elle travaillait auparavant et selon un rythme différent et qu'il n'est pas contesté que le contrat a été rompu durant cette période d'essai ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.
Elle rappelle qu’en « présence de deux contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, la période d'essai stipulée dans le second contrat n'est licite qu'à la condition que ce contrat ait été conclu pour pourvoir un emploi différent de celui objet du premier contrat ».
L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé et annulé, et les deux parties renvoyées devant une nouvelle cour d’appel autrement composée.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les deux contrats successifs n'avaient pas pour objet le même emploi de vendeuse et si l'employeur n'avait pas eu l'occasion d'apprécier les qualités professionnelles de la salariée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe la créance de Mme X... dans la liquidation de l'Eurl (…) aux sommes de 891 euros au titre des salaires des mois de avril et mai 2010 et de 89,10 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 20 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; (…)en présence de deux contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, la période d'essai stipulée dans le second contrat n'est licite qu'à la condition que ce contrat ait été conclu pour pourvoir un emploi différent de celui objet du premier contrat ; qu'en retenant la période d'essai comprise dans le second contrat de travail conclu le 1er avril 2010 entre l'Eurl (…) et Mme X... étaient justifiée aux motifs inopérants que la salariée devait être employée dans une boutique différente et selon un rythme différent, pour en déduire que l'employeur avait pu rompre ce contrat à l'issue de la période d'essai prévue, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (v. conclusions d'appel de Mme X..., p. 12, antépénultième al.), si comme le premier contrat de travail conclu entre les mêmes parties, exécuté du 20 février 2009 au 31 mars 2010, le second contrat n'avait pas pour objet le même emploi de vendeuse et si l'employeur n'avait pas déjà eu, en conséquence, tout loisir d'apprécier les qualités professionnelles de la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1221-20 du Code du travail.
Commentaire de LégiSocial
Moment particulier des relations contractuelles, nous consacrons la présente partie « commentaires » à la période d’essai en général, puis plus précisément celle des contrats CDD.
Utilité de la période d’essai :
Comme l’indique le code du travail (article L 1221-20), la période d’essai a une double fonction :
- Pour l’employeur, c’est une période pendant laquelle il va tester les performances de son salarié ;
- Pour le salarié, c’est une période pendant laquelle il va tester son poste de travail, l’entreprise et les conditions de travail.
Article L1221-20
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)
La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Période d’essai des contrats CDD
Préambule
A la différence des contrats CDI, la période d’essai des contrats CDD n’a pas été modifiée par la loi LMMT de 2008 (LMMT= Loi de Modernisation du Marché du Travail).
Les règles applicables sont donc très spécifiques.
La période d'essai doit être expressément prévue par le contrat, elle ne présume pas.
Selon la durée du contrat
L’employeur doit savoir que la période d’essai peut être interdite par certaines conventions collectives.
La durée de la période d'essai est prévue par l'article L1242-10 du Code du travail.
Article L1242-10
Le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période d'essai.
Sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, cette période d'essai ne peut excéder une durée calculée à raison d'un jour par semaine, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à six mois et d'un mois dans les autres cas.
Lorsque le contrat ne comporte pas de terme précis, la période d'essai est calculée par rapport à la durée minimale du contrat.
- CDD de 6 mois au plus
Pour les contrats de six mois au plus, la période est deux semaines au plus à raison, jusqu'à cette limite, d'un jour (ouvré) d'essai par semaine de travail.
Exemple :
- Contrat CDD de 4 semaines donne une période d’essai de 4 jours maximum.
- CDD supérieur à 6 mois
La période d’essai ne peut en aucun cas être supérieure à 1 mois
- CDD sans terme précis
Si le CDD est sans terme précis : "la période d'essai est calculée par rapport à la durée minimale du contrat».
La rupture de la période d’essai
La promulgation de la loi LMMT (Loi de Modernisation du Marché du Travail) a introduit un délai de prévenance à respecter en cas de rupture du contrat CDD pendant la période d’essai.
Présence dans l’entreprise | Délai prévenance | |
---|---|---|
Rupture par l’employeur | Rupture par le salarié | |
7 jours maxi | 24 heures | 24 heures |
8 jours à 1 mois | 48 heures | 48 heures |
Après 1 mois | 2 semaines | 48 heures |
Après 3 mois | 1 mois | 48 heures |
Le délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de prolonger la période d’essai au-delà des durées maximales prévues pour l’employeur.
Lorsque c’est le salarié qui prend l’initiative de la rupture, le délai de prévenance pourra avoir pour effet de dépasser la durée maximale de la période d’essai.
Nota : si la période d’essai est inférieure à 1 semaine, aucun délai de prévenance n’est exigé en cas de rupture du contrat CDD.