Quand 4 ans de contrats de mission n’aboutissent pas une requalification en CDI

Jurisprudence
Intérim

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne un salarié mis à la disposition, dans le cadre de contrats de mission, pendant une période s'étendant du 29 septembre 2006 au 27 août 2010.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification de ses contrats de mission en contrat CDI. 

Dans un premier temps, la Cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 5 mars 2015 déboute le salarié de sa demande.

Elle considère en effet que :

  • La société justifiait le recours à l'intérim pour accroissement temporaire d'activité pour chacune des périodes visées dans la présente affaire (commandes supplémentaires intervenues ponctuellement et qui n'avaient pas été prévues initialement au planning, commandes devant être satisfaites à bref délai, commandes exceptionnelles, retards par rapport aux dates de livraisons impératives nécessitant des personnels supplémentaires et temporaires pour pouvoir les combler, et enfin du démarrage d'une nouvelle production nécessitant pareillement du personnel temporaire pour une activité non permanente) ; 
  • Le salarié n'était pas, dans les faits, resté en permanence à la disposition de la société utilisatrice, ses périodes de délégation ayant alterné avec des périodes d'interruption parfois longues pendant lesquelles il avait pu être affecté dans d'autres entreprises.  

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que le société justifiait le recours à l'intérim pour accroissement temporaire d'activité pour chacune des périodes où le salarié a bénéficié pour ce motif de contrats de missions par des commandes supplémentaires intervenues ponctuellement et qui n'avaient pas été prévues initialement au planning, de commandes devant être satisfaites à bref délai, de commandes exceptionnelles, de retards par rapport aux dates de livraisons impératives nécessitant des personnels supplémentaires et temporaires pour pouvoir les combler, du démarrage d'une nouvelle production de moules nécessitant pareillement du personnel temporaire pour une activité non permanente ; 
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié n'était pas, dans les faits, resté en permanence à la disposition de la société utilisatrice, ses périodes de délégation ayant alterné avec des périodes d'interruption parfois longues pendant lesquelles il avait pu être affecté dans d'autres entreprises, a pu décider, par des motifs qui ne sont pas inopérants que les contrats de mission dont bénéficiait le salarié pour accroissement temporaire de l'activité de la société étaient destinés à satisfaire un besoin de l'entreprise ne relevant pas de son activité normale mais de variations importantes de production liées à des circonstances imprévisibles excluant toute planification ; 

Dans son arrêt du 19 octobre 2016, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d'appel de Lyon sur ce point.

Cour de cassation du , pourvoi n°15-17305

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons de la présente affaire pour évoquer les cas permettant la requalification des contrats de mission en contrats CDI au sein de l’entreprise de travail temporaire

Non-respect du cas de recours

Un arrêt de la Cour de cassation nous éclaire à ce sujet… 

Une salariée est engagée par une entreprise de travail temporaire, dans le cadre de divers contrats de mission pour sa mise à disposition de plusieurs sociétés.

Elle saisit la juridiction prud'homale afin d’obtenir la requalification des contrats de mission en contrat CDI.

A l’appui de sa demande, le fait que ces contrats de mission omettaient d’évoquer l’indemnité de fin de mission. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison à la salariée, estimant que, sous réserve d’une intention frauduleuse du salarié, le non-respect de l’article L 1251-16 du code du travail régissant les contrats de travail temporaire impliquait la requalification de son contrat temporaire en contrat CDI au sein de l’ETT. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que sous réserve d'une intention frauduleuse du salarié, le non-respect par l'entreprise de travail temporaire de l'une des prescriptions des dispositions de l'article L. 1251-16 du code du travail, lesquelles ont pour objet de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, implique la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée ; 
Et attendu que motivant sa décision, la cour d'appel, qui a constaté l'absence de mention sur le contrat de travail signé le 26 mars 2006 de l'indemnité de fin de mission, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Arrêt Cour de cassation du 11/03/2015, pourvoi 12-27855

Article L1251-16

Le contrat de mission est établi par écrit.

Il comporte notamment :

1° La reproduction des clauses et mentions du contrat de mise à disposition énumérées à l'article L. 1251-43 ;

2° La qualification professionnelle du salarié ;

3° Les modalités de la rémunération due au salarié, y compris celles de l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L. 1251-32 ;

4° La durée de la période d'essai éventuellement prévue ;

5° Une clause de rapatriement du salarié à la charge de l'entrepreneur de travail temporaire lorsque la mission s'effectue hors du territoire métropolitain. Cette clause devient caduque en cas de rupture du contrat à l'initiative du salarié ;

6° Le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l'organisme de prévoyance dont relève l'entreprise de travail temporaire ;

7° La mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite.

Article L1251-43

Le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié comporte :

1° Le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire. Cette mention est assortie de justifications précises dont, notamment, dans les cas de remplacement prévus aux 1°, 4° et 5° de l'article L. 1251-6, le nom et la qualification de la personne remplacée ou à remplacer ;

2° Le terme de la mission ;

3° Le cas échéant, la clause prévoyant la possibilité de modifier le terme de la mission dans les conditions prévues aux articles L. 1251-30 et L. 1251-31. Cette disposition s'applique également à l'avenant prévoyant le renouvellement du contrat de mise à disposition ;

4° Les caractéristiques particulières du poste de travail à pourvoir et, notamment si celui-ci figure sur la liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l'article L. 4154-2, la qualification professionnelle exigée, le lieu de la mission et l'horaire ;

5° La nature des équipements de protection individuelle que le salarié utilise. Il précise, le cas échéant, si ceux-ci sont fournis par l'entreprise de travail temporaire ;

6° Le montant de la rémunération avec ses différentes composantes, y compris, s'il en existe, les primes et accessoires de salaire que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

Absence de signature sur le contrat de mission

Dans l’affaire abordée par la Cour de cassation, le salarié demandait la requalification de son contrat de mission en CDI, au motif que le contrat ne comportait pas la signature du salarié.

La Cour de cassation donne raison au salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié, est destinée à garantir qu'ont été observées les diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite ; que cette prescription étant d'ordre public, son omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que faute de comporter la signature de l'intéressé, le contrat de mission ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit, et que l'employeur, en ne respectant pas les dispositions des textes susvisés, s'était placé hors du champ d'application du travail temporaire, et se trouvait lié au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 7 mars 2000 N° de pourvoi: 97-41463 

Absence de contrat de mission

Contredisant l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de cassation donne raison au salarié qui souhaitait obtenir la requalification de son contrat de mission en CDI, compte tenu du fait qu’aucun contrat de mission n’avait été établi par écrit. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de requalification dirigée contre la société R… et de sa demande en dommages-intérêts , la cour d'appel a retenu que le fondement juridique de la demande était inexistant et qu'en tout état de cause l'existence d'un préjudice lié à l'absence de contrat de mission écrit n'était pas caractérisé;

Attendu cependant que les dispositions de l'article L. 124-7 du Code du travail qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même Code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l' entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées; qu'il en est ainsi lorsqu'aucun contrat de mission n'a été établi par écrit, ce manquement de l'entreprise de travail temporaire causant nécessairement au salarié intérimaire un préjudice qui doit être réparé ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté qu'aucun contrat de mission écrit n'avait été établi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 13 décembre 2006 N° de pourvoi: 05-44956 

L’absence de la qualification du salarié remplacé

Dans cette affaire, un intérimaire constatant que le contrat de mission ayant pour motif le remplacement de salariés absents, n’indiquait pas la qualification de ces derniers.

Dans un premier temps, la cour d’appel considérait que la requalification en CDI ne pouvait se faire au sein de l’ETT, mais que le salarié pouvait faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, considérant que l’omission de la qualification des salariés remplacés était du ressort de l’ETT, c’est donc au sein de cette entreprise que le salarié pouvait prétendre à une requalification en CDI.

Ajoutons que la Cour de cassation rappelle que le contrat de mission n’avait pas été remis dans les 2 jours ouvrables suivant sa mise à disposition.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de requalification dirigée contre l'entreprise de travail temporaire, la cour d'appel retient que, selon l'article L. 124-7, alinéa 2, du Code du travail, lorsque l'utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions de l'article L. 124-2-1 du même Code, ce salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée ; qu'en conséquence, la demande de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée ne peut pas prospérer à l'encontre de la société E…, entreprise de travail temporaire ;

Attendu cependant que les dispositions de l'article L. 124-7 du Code du travail qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 à L. 124-2-4 du même Code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté qu'en violation des dispositions combinées des articles L. 124-3 et L. 124-4 du Code du travail, l'entreprise de travail temporaire n'avait pas mentionné la qualification des salariés remplacés dans les contrats de mission ni adressé ces contrats au salarié dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition, ce cont il résultait que cet employeur s'était placé en dehors du champ d'application du travail temporaire et que la relation contractuelle de travail avec le salarié relevait du droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant débouté le salarié de sa demande de requalification de son contrat à l'égard de la société Eurolabor et de ses demandes en paiement dirigées contre cette société et ayant condamné celle-ci à lui payer des dommages-intérêts pour violation de l'article L. 124-4 du Code du travail, l'arrêt rendu le 23 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 juin 2002 N° de pourvoi: 00-41354

L’absence de terme de la mission

Dans cette affaire, le salarié intérimaire demandait (et obtenait) la requalification de son contrat de mission en contrat CDI au sein de l’entreprise utilisatrice, compte tenu du fait que le contrat de mission omettait d’indiquer le terme de la mission.

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu, d'abord, que les dispositions de l'article L.124-7 du Code du travail qui sanctionnent l'inobservation, par l'entreprise utilisatrice, des dispositions des articles L. 124-2 et L. 124-2-4 du même Code, n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a constaté que le contrat de mission ne comportait pas la mention du terme de la mission, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 124-4 du Code du travail, a exactement décidé que l'employeur qui n'avait pas respecté ces dispositions s'était placé en dehors du champ d'application du travail temporaire, et que le contrat de travail qui le liait au salarié était soumis au droit commun ;

Et attendu, enfin, qu'en décidant que le contrat de mission du salarié devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a nécessairement remis en cause les versements effectués en vertu de ce contrat de mission ; que dès lors, qu'elle n'était saisie d'aucune demande, même subisdiaire, au sujet de ces sommes, elle a statué dans les limites du litige ; que le moyen non fondé dans sa première branche, ne saurait être accueilli pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 avril 2000 N° de pourvoi: 97-45508 

Requalification du contrat d’intérim impossible en cas de refus de signature du salarié

Une autre affaire abordée récemment par la Cour de cassation confirme que la requalification du contrat de travail temporaire en contrat CDI est impossible en cas de refus de signature du salarié concerné. 

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