Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé à compter du 1er septembre 2009 par une société de « démantèlement et environnement nucléaire » en qualité d'agent technique.
Son contrat de travail prévoit une clause de mobilité.
Refusant une affectation sur un nouveau site, le salarié est licencié pour faute grave le 17 juin 2013.
Il saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement injustifié.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Nîmes par son arrêt du 18 novembre 2014, donne raison au salarié.
Après avoir relevé que la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail du salarié était nulle, la cour d'appel a relevé :
- D’une part que le salarié avait été informé le 11 mars 2013 de ce qu'il devait rejoindre le 19 mars 2013 le site de Cattenom très éloigné de son domicile ;
- Et que d'autre part que l'employeur n'établissait pas que cette nouvelle affectation était justifiée par des circonstances exceptionnelles.
En conséquence, la cour d’appel considère que le licenciement fondé sur le refus du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation devait être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que si l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail, il n'en est ainsi que lorsque cette affectation est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible ;
Et attendu qu'après avoir retenu par des motifs non critiqués par le moyen que la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail était nulle, la cour d'appel a relevé d'une part que le salarié avait été informé le 11 mars 2013 de ce qu'il devait rejoindre le 19 mars 2013 le site de Cattenom très éloigné de son domicile et d'autre part que l'employeur n'établissait pas que cette nouvelle affectation était justifiée par des circonstances exceptionnelles ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que le salarié n'avait commis aucune faute en refusant de rejoindre sa nouvelle affectation et a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, décidé que le licenciement fondé sur ce refus était sans cause réelle et sérieuse ;
Dans son arrêt du 3 novembre 2016, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.
Commentaire de LégiSocial
Rappelons à l’occasion de la présente affaire, quelques notions intéressantes concernant la clause de mobilité qui peut figurer sur un contrat de travail…
Principe et objectif
Cette clause permet à l’employeur de se réserver la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié et cela sans son accord.
- La mutation du salarié = modification des modalités d’exécution du contrat de travail ;
- Le refus du salarié= sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave.
Conditions de validité ?
On peut dénombrer 7 conditions de validité à respecter :
Sur le contrat de travail
Elle doit être expressément indiquée sur le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
La zone géographique précise
La clause doit préciser la zone géographique de mobilité en sachant qu’aucune disposition légale ne limite la distance ou l’éloignement qui peut être imposé au salarié.
Le salarié peut donc voir sa clause de mobilité porter sur un département, une région, toute la France, et pourquoi pas sur plusieurs pays.
Le respect de la convention collective
Avant d’insérer une telle clause dans un contrat de travail, l’employeur doit veiller au respect des procédures prévues par la convention collective dont il dépend.
Changement unilatéral impossible
L’employeur ne peut sans l’accord du salarié modifier la zone géographique concernée par la clause.
Cette modification unilatérale serait alors interprétée comme la modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, qui pourrait conduire par exemple à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
Rupture automatique du contrat
L’employeur ne peut en aucun cas prévoir la rupture automatique du contrat en cas de refus du salarié de se soumettre à cette clause de son contrat de travail.
Cour de cassation 19/05/2004 n° 02-43252 D
Clause conforme aux intérêts légitimes de l’entreprise
Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et être proportionnée au but recherché et aux activités du salarié.
Dans le cas contraire, le salarié serait en droit de refuser la mutation.
Son refus ne pourrait en aucun cas être considéré comme un motif permettant un licenciement.
Un délai de prévenance doit être respecté
Si la convention collective en prévoit un bien entendu, sachant qu’il n’existe pas de délai minimum légal.
La clause de mobilité ne doit pas être confondue avec la clause prévoyant des déplacements professionnels.
Ainsi, la clause prévoyant la réalisation du travail dans un lieu différent du lieu d’affectation en fonction des nécessités de l’entreprise ne doit pas être assimilée à une clause de mobilité.
Cour de cassation du 27/05/1998 n° 96-40.929P