Rupture conventionnelle sans entretien : elle devient nulle sous réserve que le salarié le prouve

Jurisprudence
Rupture conventionnelle

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 9 juin 2009 par un laboratoire en qualité de responsable de l'informatique médicale.

Salarié et employeur signent le 18 janvier 2011, une convention de rupture homologuée par l'administration.

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale, estimant que la rupture conventionnelle doit être considérée comme nulle, en l’absence d’entretien préalable. 

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Toulouse donne droit au salarié, dans son arrêt du 22 mai 2015.

Elle indique :

  • Qu’après avoir constaté que la convention de rupture indiquait la tenue de 2 entretiens ;
  • Elle constatait également que l’employeur ne produisait aucun élément matériel attestant de la véracité de ces 2 entretiens. 

Il en ressortait que la rupture conventionnelle devait être considérée présentement comme nulle. 

Mais la cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, qui selon elle a inversé la charge de la preuve.

C’est en effet à celui qui demande la nullité de la convention de rupture, le salarié en l’occurrence, d’apporter la preuve de la carence d’entretien dans la présente affaire.  

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour faire droit à la demande de nullité de la convention de rupture formée par le salarié, celui-ci arguant de l'absence d'entretien, l'arrêt, après avoir constaté que la convention de rupture mentionnait la tenue de deux entretiens, retient, par motifs propres et adoptés, que l'employeur ne produit aucun élément matériellement vérifiable permettant d'en attester la réalité ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-21609

Commentaire de LégiSocial

Ce qui ressort de la présente affaire peut être résumé comme suit :

  1. L’absence d’entretien a pour effet de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle ;
  2. Et c’est à la partie qui réclame la nullité d’en apporter la preuve. 

Nous rappellerons en outre que la nullité de la rupture conventionnelle a pour effet de requalifier ladite rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, profitons de l’affaire que nous commentons aujourd’hui, pour rappeler quelques notions concernant le ou les entretiens dans le cadre de la rupture conventionnelle, qui va ou vont constituer la 1ère étape à respecter. 

Obligation d’entretien

Le code du travail prévoit qu’un ou plusieurs entretiens doivent avoir lieu avant d’établir la convention. 

Article L1237-12

Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5

Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.
Lors du ou des entretiens, l'employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l'employeur auparavant ; si l'employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
L'employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.

Cette obligation est également confirmée par la DGT, dans sa circulaire du 22/07/2008 (circulaire DGT 2008-11). 

Convocation aux entretiens

La loi est muette en ce qui concerne la forme avec laquelle le salarié est convoqué aux entretiens.

Ainsi la cour d’appel de Lyon a indiqué qu’il n’y avait aucune obligation à convoquer le salarié par écrit.

Cour d’appel 23/09/2011 arrêt 10/09122

De même, la Cour d’appel a considéré que l’employeur n’avait pas obligation d’informer le salarié de son droit à assistance pendant les entretiens.

Cour d’appel 1/07/2011 arrêt 10/02811

Assistance du salarié pendant l’entretien

Le salarié a la possibilité d’être assisté pendant l’entretien (voir article L 1237-12 précité).

Cette assistance peut prendre la forme :

  • D’une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (titulaire d’un mandat syndical, membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié) ;
  • D’un conseiller choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative, en l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise. 

Le salarié n’est pas informé de sa possibilité d’assistance par un conseiller du salarié 

La Cour de cassation s’est également prononcée à propos d’un salarié qui n’est pas informé de sa possibilité d’assistance par un conseiller du salarié

Demandant la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes, le salarié est débouté par la Cour de cassation.

Extrait de l’arrêt

Mais attendu, d'abord, que le défaut d’information du salarié d’une entreprise ne disposant pas d’institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun

Audience publique du 29 janvier 2014 Rejet Arrêt no 215 FS-P+B Pourvoi no S 12-27.594

Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails, sur notre site, en cliquant ici.

Prendre contact avec Pôle emploi

À tout moment, le salarié peut aussi contacter les services (ex. : service public pour l’emploi) susceptibles de l’aider à prendre sa décision en pleine connaissance de ses droits. 

Et si le salarié n’est pas informé qu’il peut prendre contact avec Pôle emploi ?  

Un salarié est engagé le 15 mars 2005 en qualité de commercial.

Son employeur et lui-même concluent, le 26 août 2009, une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l’autorité administrative.

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes.

A l’appui de sa demande, le salarié indique qu’il n’avait pas été informé de sa possibilité de prendre contact avec les services du Pôle emploi.

Les juges de la Cour de cassation, tout comme ceux de la cour d’appel, déboutent le salarié de sa demande et estiment que l’absence d’information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel n’avait pas affecté la liberté de son consentement. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu, ensuite, qu’après avoir constaté que le salarié avait conçu un projet de création d’entreprise, la cour d’appel a souverainement retenu que l’absence d’information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel n’avait pas affecté la liberté de son consentement ;

Cour de cassation : Audience publique du 29 janvier 2014 Cassation partielle Arrêt no 213 FS-P+B sur le 1er moyen Pourvoi no F 12-25.951

Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails, sur notre site, en cliquant ici.

Assistance du salarié et information de l’employeur

Le salarié qui se fait assister doit en informer son employeur, mais aucune forme légale n’est prévue. 

Assistance de l’employeur pendant l’entretien

L’employeur ne peut être assisté que si le salarié l’est aussi. 

L’assistance de l’employeur peut se faire en faisant recours à toute personne, pour autant qu’elle fasse partie du personnel.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur peut se faire assister par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche. 

L’employeur qui se fait assister, doit en informer également le salarié. 

Pas d’assistance d’un avocat

La circulaire DGT du 22/07/2008, stipule que l’assistant du salarié ou de l’employeur, ne peut en aucun cas être un avocat.