Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 13 décembre 1976 en qualité d'ouvrier.
A l’issue de deux examens médicaux des 15 et 30 avril 2008, le médecin du travail le déclare inapte à son poste.
Il est finalement licencié le 22 mai 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mais le salarié saisit la juridiction prud’homale, réclamant notamment le paiement d’une prime de fin d’année et d’une prime exceptionnelle qu’il considère dues au titre d’un usage, sur plusieurs années.
Il précise en outre, que nonobstant le fait que ces primes n’avaient pas la même valeur tous les ans, les conditions de détermination étaient fixes.
La Cour d’appel de Dijon, dans son arrêt du 29 janvier 2015, déboute le salarié de sa demande :
- Concernant la prime de fin d’année, quand bien même elle avait été versée à tous les salariés, elle revêtait le caractère de « prime à caractère discrétionnaire », permettant à l’employeur d’y mettre fin ou de la verser, ne constituant pas un usage ;
- Et en ce qui concernait la « prime exceptionnelle », son qualificatif même indiquait qu’elle n’avait pas de caractère obligatoire et ne constituait en aucune façon un usage.
Extrait de l’arrêt :
ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE les demandes présentées par M. X... ne sont pas étayées ni juridiquement ni en fait ; qu'il lui était versé deux primes, une prime de fin d'année et une prime exceptionnelle ; qu'en ce qui concerne la prime de fin d'année, il ne s'agit pas d'un élément obligatoire du salaire ; que, dans ses conclusions, M. X... reconnaît que dans la convention collective du bâtiment, applicable, aucune prime n'est prévue ; que la prime ne devient un élément obligatoire du salaire que si elle est versée à tous les salariés, ce qui était le cas en l'espèce, versée selon une certaine régularité et toujours fixe ; qu'en l'espèce, comme on peut le constater au vu des feuilles de paie de décembre depuis 1999 jusqu'en 2008, le montant reçu par M. X... n'a jamais été le même ; qu'il s'agissait en fait d'une prime à caractère discrétionnaire ; que l'employeur pouvait donc y mettre fin et la verser ou non ; que M. X... ne rapportant pas la preuve du caractère non seulement régulier, général, mais surtout fixe dans son montant de cette prime au fur et à mesure des années, ne peut pas prétendre qu'il s'agit d'un élément obligatoire du salaire ; qu'il sera débouté de ses demandes tant au titre de l'année 2007 qu'au titre de l'année 2008 au prorata ; que, comme son nom l'indique, la prime exceptionnelle n'a pas de caractère obligatoire ; qu'il s'agit pour la société (…) de faire bénéficier ses salariés du fait que l'entreprise a pu générer des profits ; que le vocable même utilisé pour qualifier cette prime, son montant variable, permet d'écarter la demande présentée par M. X... à ce titre ; qu'en conséquence, le conseil le déboute de ses demandes de primes de fin d'année et de primes exceptionnelles ;
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi formé par le salarié.
Faute pour le salarié de démontrer que les primes, de fin d’année et exceptionnelle, répondaient aux critères permettant de reconnaitre un usage, à savoir constance+ généralité+ fixité, le salarié devait être débouté de sa demande.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant retenu que le salarié ne démontrait pas que le paiement de la prime exceptionnelle et de la prime de fin d'année constituait un usage d'entreprise, faute de répondre aux critères de constance, de généralité ou de fixité, que ce soit dans le montant ou dans le mode de calcul, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation nous permet de vous rappeler quelques éléments essentiels concernant les usages en entreprise.
Usages : les 3 conditions cumulatives
Pour que l’on puisse parler d’usage, il est obligatoire que les 3 conditions suivantes soient cumulativement (c'est-à-dire en même temps) respectées :
Fixité
Fixité dans le montant ou la façon de calculer ou de déterminer l’avantage (exemple : 13ème mois, prime selon l’ancienneté dans l’entreprise, etc.)
Généralité
Applicable pour l’ensemble du personnel ou pour une catégorie (exemple pour les cadres uniquement mais en veillant à justifier la raison pour laquelle seuls certains salariés bénéficient de l’usage, au risque que cette attribution puisse être jugée de discriminatoire)
Continuité
Pratique répétée (exemple une prime versée pendant 3 mois peut ne pas être considérée comme un usage).
Ce qui veut dire aussi, que si l’une (au moins) des 3 conditions n’est pas remplie, nous ne pouvons alors pas parler d’un « usage ».
Usage ou pas ?
Quelques exemples vont nous permettre de déterminer s’il y a usage ou non.
Exemple 1 :
- Un employeur attribue à 2 salariés une prime pour « pic d’activité » ;
- L’entreprise compte 50 salariés ;
- 10 sont cadres, 40 non-cadres ;
- La prime est versée depuis 6 ans ;
- Elle est égale à 0.50% du chiffre d’affaires.
Vérification des 3 conditions | |
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Fixité | OUI |
Continuité | OUI |
Généralité | NON |
Dans le cas présent, la prime est versée depuis 6 ans confirmant sa continuité.
Le mode de calcul très strict (0.50% du CA) confirme sa fixité.
Mais la prime n’est versée qu’à certains salariés et cela ne correspond pas à la totalité d’une catégorie professionnelle, le caractère de généralité n’est pas respecté.
Conclusion : ce n’est pas un usage !
Exemple 2 :
- Une entreprise verse une prime de fin d’année ;
- La prime est calculée comme un 13ème mois ;
- Elle est versée depuis 4 ans ;
- Elle concerne la totalité du personnel.
Vérification des 3 conditions | |
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Fixité | OUI |
Continuité | OUI |
Généralité | OUI |
Conclusion : il s’agit d’un usage !