Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé à compter du 1er septembre 2003 en qualité d'ingénieur commercial sur la base d'une rémunération fixe complétée par une prime en fonction des contrats réalisés.
Il est promu à compter du 1er novembre 2004 au poste de directeur d'agence, poste au titre duquel il ne perçoit plus de prime, mais bénéficie en contrepartie d’une augmentation de salaire de 110%.
Licencié pour faute grave par lettre du 12 mai 2009, il saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, il estime notamment que la suppression de la partie variable de sa rémunération constitue une véritable modification de son contrat de travail, auquel il n’a pas donné d’avis favorable.
Dans un premier temps, la Cour d'appel de Versailles déboute le salarié de sa demande dans son arrêt du 7 mai 2015.
Tout en soulignant le fait que le salarié n’avait pas signé l’avenant à son contrat de travail, il ressortait des bulletins de paie produits qu’il avait bénéficié une augmentation de salaire brut de 110%.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour rejeter la demande de rappel de commissions du salarié, l'arrêt retient que ce dernier n'a pas signé l'avenant du 11 mars 2004 et qu'il ressort de l'examen des bulletins de paie produits que l'intéressé a occupé un poste d'ingénieur commercial jusqu'à la fin du mois d'octobre 2004, et à compter du 1er novembre 2004, a accédé au poste de directeur d'agence en remplacement de M. Y... qui venait de démissionner et qu'il est établi que dans le cadre de ces dernières fonctions aucune commission n'était prévue mais une augmentation du salaire brut de 110 % était intervenue ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, cassant et annulant son arrêt à ce titre.
Elle rappelle à l’occasion du présent arrêt que :
- La rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail ;
- Qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que le nouveau mode de rémunération soit supérieur au salaire antérieur.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que le nouveau mode de rémunération soit supérieur au salaire antérieur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement d'un rappel de commissions et de congés payés et en ce qu'il le condamne à payer des dommages-intérêts à la société (…), l'arrêt rendu le 7 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire nous permet de rappeler les différences fondamentales entre une modification du contrat et la modification des conditions de travail.
Modification contrat de travail ≠ modification conditions de travail
- Modification du contrat de travail : nécessite l’accord du salarié pour être applicable ;
- Modification des conditions de travail : s’impose au salarié qui en cas de refus s’expose à des sanctions.
Pas de définition légale
Il n’existe pas de définition légale de la modification du contrat de travail ou des modifications des conditions de travail.
C’est la jurisprudence par ses différents arrêts qui fait « avancer les choses », deux définitions peuvent être données.
La modification du contrat de travail consiste à modifier un élément essentiel ou jugé essentiel.
Lorsque la modification est désirée pour un motif personnel :
- L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié ;
- Le salarié est en droit de refuser ;
- Le refus par le salarié n’est pas une faute, ni un motif de licenciement, ni une démission.
Lorsque la modification est pour un motif économique :
- La modification est alors motivée dans l’intérêt de l’entreprise ;
- Elle s’intègre alors dans le cadre d’un licenciement économique ;
- L’employeur n’est pas en droit de l’imposer au salarié.