Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne une société dans laquelle un accord d’entreprise a été conclu le 16 avril 2007 afin d'organiser les astreintes à domicile et les gardes.
Envisageant de modifier cette organisation, la société réunit les syndicats en vue d'établir un avenant auquel s'est opposé un syndicat majoritaire.
Mais l’employeur décide de passer outre ce refus.
Le syndicat reprochant à l'employeur une modification unilatérale de l'organisation des astreintes et des gardes, saisit la juridiction civile afin d'obtenir en particulier le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de l'accord d'entreprise.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris donne raison à l’employeur dans son arrêt du 6 mars 2014.
Pour débouter le syndicat de sa demande, la cour d’appel estime que :
- L’employeur n’avait pas modifié l’accord d’entreprise du 16 avril 2017 ;
- En effet, il était prévu que les astreintes pouvaient varier selon le service et la période permettant à l’employeur d’intégrer, de façon unilatérale, de nouveaux services en astreinte si l’activité l’exigeait.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le syndicat de sa demande et dire que la société n'avait pas modifié l'accord d'entreprise du 16 avril 2007 en décidant seule de la modification de l'organisation des astreintes à domicile et des gardes au sein des services fusion et formage, l'arrêt retient que cet accord prévoit, d'une part que l'organisation des astreintes et des gardes dépend de l'activité en elle-même et que si l'activité devait changer, la direction et les organisations syndicales convenaient de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et pour établir « si possible » un avenant à l'accord tout en prévoyant que la direction se réservait le droit d'intégrer de nouveaux services si l'activité devait l'exiger, d'autre part que l'organisation des astreintes et des gardes relevait des « prérogatives de l'employeur » et pouvait « varier selon le service et la période » ;
Mais la Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments mis en avant par la cour d’appel.
Elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel, autrement composée.
Elle se fonde pour cela sur l’obligation qui pèse sur l’employeur d’exécuter un accord qui le lie.
Cet accord prévoyait en outre que si l'activité devait changer et modifiait le système en vigueur, la direction et les organisations syndicales convenaient de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et établir, si possible, un avenant au présent accord.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise, qui, conformément à l'article L. 3121-7 du code du travail en sa rédaction alors applicable, fixe les compensations financières ou sous forme de repos, prévoit expressément qu'il pourra être révisé conformément aux dispositions légales et dispose que l'organisation d'astreintes et de gardes dépend de l'activité en elle-même et que si l'activité devait changer et modifiait le système en vigueur, la direction et les organisations syndicales conviennent de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et établir, si possible, un avenant au présent accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Nous profitons de la présente affaire pour vous rappeler les dispositions concernant l’astreinte, depuis la loi travail.
La définition
C’est désormais au sein de l’article L 3121-9 que nous est proposée la définition d’une période d’astreinte (article auparavant consacré aux équivalences).
Nous remarquerons que les termes « a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise » sont désormais remplacés par « doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.».
Au sein du même article est intégré un nouveau paragraphe confirmant que :
- La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Nous remarquerons également que la définition de l’astreinte, donnée par le présent article L 3121-9, précise bien que l’astreinte ne se déroule pas sur le lieu de travail (certains arrêts de la Cour de cassation semblent avoir été pris en considération en l’espèce).
Article L3121-9
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
Astreinte et repos
Aucune modification n’est apportée, sauf bien entendu la numérotation de l’article en référence. Il est ainsi confirmé que, sauf dans le cas où une intervention se produit, les périodes d’astreinte sont décomptées des durées minimales de repos, à savoir :
- Repos Quotidien de 11 heures consécutives ;
- Repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.
Article L3121-10
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien prévue à l'article L. 3131-1 et des durées de repos hebdomadaire prévues aux articles L. 3132-2 et L. 3164-2.
La mise en place
C’est dans le cadre du champ de la négociation collective, et au sein d’un article profondément modifié par la loi travail, que nous retrouvons désormais les conditions de mises en place correspondantes.
Cette mise en place peut être réalisé par :
- Convention ;
- Accord d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.
Cette convention ou cet accord fixe :
- Le mode d'organisation des astreintes ;
- Les modalités d'information ;
- Les délais de prévenance des salariés concernés ;
- Ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.
Article L3121-11
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.
Dispositions supplétives
C’est le cadre du champ des « dispositions supplétives », que nous retrouvons l’article L 3121-12 modifié (auparavant consacré au contingent en matière d’heures supplémentaires).
Il y est confirmé, qu’en l’absence d’accord collectif prévu à l’article L 3121-11 :
- Le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail ;
- Les modalités d'information des salariés concernés seront fixées par décret en Conseil d'Etat (à paraitre) et la programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à leur connaissance 15 jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu'ils en soient avertis au moins 1 jour franc à l'avance (NDLR : nous retrouvons à ce niveau, les dispositions en vigueur avant la loi travail mais prévues cette fois dans le cadre des dispositions supplétives).
Article L3121-12
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
A défaut d'accord prévu à l'article L. 3121-11 :
1° Le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail ;
2° Les modalités d'information des salariés concernés sont fixées par décret en Conseil d'Etat et la programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à leur connaissance quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu'ils en soient avertis au moins un jour franc à l'avance.
Délai de prévenance
C’est au sein de l’article L 3121-9 que le délai de prévenance est confirmé, en lieu et place des anciennes dispositions, le code du travail évoque désormais le fait que les salariés sont informés de leur programmation individuelle « dans un délai raisonnable ».
Article L3121-9
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.