Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité d'auxiliaire de vie, suivant contrat de travail à temps partiel du 17 octobre 2008.
Elle est par la suite soumise à un accord d'entreprise relatif au temps partiel modulé.
Licenciée le 30 mai 2012, la salariée saisit la juridiction prud'homale.
Elle estime en effet que la clause dite « obligation de loyauté » devait en fait s’analyser en une véritable clause de non-concurrence, et que celle-ci n’était en outre pas licite, ne mentionnant notamment aucune contrepartie financière.
La clause mise en cause dans la présente affaire était ainsi libellée :
Extrait de l’arrêt :
« cas de rupture du présent contrat Mme X... s'interdira d'exercer toutes activités directement ou indirectement au profit des clients de la société auprès desquels elle sera intervenue dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail »
La Cour d’appel de Riom, dans son arrêt du 6 octobre 2015, déboute la salariée de sa demande.
Elle estime en effet que la clause intitulée « obligation de loyauté » était limitée aux seuls clients de la société auprès desquels la salariée a été amenée à intervenir et ne pouvait s'analyser en une clause de non-concurrence susceptible d'entraver sa liberté de travail et de lui créer un préjudice.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'une clause selon laquelle il est fait interdiction à un salarié d'entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle auprès de laquelle il était intervenu lorsqu'il était au service de son ancien employeur est une clause de non-concurrence ; que cette clause n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'illicéité de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que la clause « obligation de loyauté » insérée dans le contrat de travail est limitée aux seuls clients de la société auprès desquels la salariée a été amenée à intervenir et ne peut s'analyser en une clause de non-concurrence susceptible d'entraver sa liberté de travail et de lui créer un préjudice ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout cet avis, et décide de casser et annuler l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.
Elle estime qu’une clause interdisant au salarié de se mettre en relation avec la clientèle de son ancien employeur, doit s’analyser en une clause de non-concurrence, illicite présentement.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement (…) en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'illicéité de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 6 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant la clause de non-concurrence.
Principe et objectif
La clause de non-concurrence a pour but d'interdire au salarié, après la rupture de son contrat, l'exercice d'une activité qui porterait préjudice à son ancien employeur.
5 Conditions de validité ?
1/ Elle doit être insérée clairement dans le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
2/ Elle doit respecter les dispositions conventionnelles si celles-ci sont plus favorables.
La clause de non-concurrence doit respecter très exactement les conditions de fond et de forme éventuellement prévues par la convention collective. Une clause de non-concurrence non conforme aux dispositions de la convention collective n'est pas nulle pour autant : elle doit être rapportée aux conditions conventionnelles prévues.
Cour de cassation du 2/12/1998.
Lorsqu'une convention collective stipule que l'employeur à la possibilité de convenir d'une clause de non-concurrence avec certains salariés, il lui est alors impossible de conclure une telle clause avec d'autres salariés que ceux visés par la convention collective.
Cour de cassation du 12/11/1997.
3/ Elle doit nécessairement être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi
Cour de cassation du 2/12/1997
4/ La clause de non-concurrence doit être limitée :
- dans le temps
Une clause comportant une durée illimitée n’est pas valable.
Les conventions collectives peuvent parfois encadrer la durée pendant laquelle peut s’exercer la clause.
Si ce n’est pas le cas, les juges apprécieront la durée insérée avec les intérêts de l’entreprise.
- dans l'espace
La limitation de la zone de non-concurrence varie selon que la clientèle est « locale » ou « mondialisée ».
Dans tous les cas de figure, cette délimitation géographique doit être précise et ne pas empêcher encore une fois le salarié de retrouver un emploi.
- dans l'objet (nature des activités interdites)
La clause doit préciser la nature des activités concernées
Signalons que la jurisprudence n'exige pas que la clause obéisse cumulativement à ces trois conditions (temps, espace et objet), l'une ou l'autre de ces limitations, temps ou espace, peut suffire si le salarié conserve la possibilité de poursuivre " son " activité professionnelle.
5/ La clause de non-concurrence doit comporter une contrepartie financière
Si la clause ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, elle est considérée comme nulle.
Petite particularité, une clause ne prévoyant aucune contrepartie financière MAIS renvoyant vers la contrepartie financière prévue par la convention collective est acceptable, le renvoi vers l’article de la convention collective est alors nécessaire.
Une contrepartie financière jugée « dérisoire » par les juges peut aboutir au même résultat.
Cour de cassation du 15/11/2006 n° 04-46721
Une contrepartie financière versée en cours de contrat rend la clause totalement nulle et sans effet.
Cour de cassation du 17/11/2010 pourvoi M 09-42.389
La clause prévoyant que la contrepartie financière ne serait pas payée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde est nulle
Cour de cassation du 28/06/2006 pourvoi 05-40990
Une récente affaire concernant un salarié qui percevait une compensation financière pendant le contrat et aussi après la rupture du contrat permet de préciser que la valeur éventuellement dérisoire s’évalue uniquement sur la partie versée après la rupture du contrat.
Cour de cassation du 22/06/2011 pourvoi 09-71567 FSPB