Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un salarié, engagé le 4 mai 1992 en qualité d'ajusteur-monteur.
Il acquiert, à compter de 2005, la qualité de salarié protégé.
Par la suite, l’entreprise tente plusieurs fois de procéder au licenciement économique du salarié, mais des décisions de refus interviennent les 21 janvier et 4 décembre 2008 et 27 mars 2009.
La société engage une nouvelle procédure de licenciement en mai 2010, le salarié ne bénéficiant plus du statut de salarié protégé à cette date.
Il est finalement licencié pour motif économique par lettre du 15 juin 2010.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes, parmi celles-ci une demande concernant des heures supplémentaires qui n’ont pas été majorées au bon taux (50% en l’espèce), démontrant selon le salarié une volonté de dissimuler le travail réellement effectué par le salarié.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Besançon dans son arrêt du 30 juin 2015 donne raison au salarié.
Elle condamne l’employeur à payer une indemnité au salarié au titre du travail dissimulé.
De façon plus précise, elle remarque que :
- Les bulletins de paie ne mentionnent aucun paiement d'heures supplémentaires au taux de 50 % ;
- Alors que les bulletins de présence prouvent que le salarié a accompli à plusieurs reprises un horaire hebdomadaire supérieur à 43 heures ;
- Que l'employeur ne démontre pas que le salarié aurait bénéficié de repos compensateur (type RCE) ;
- Démontrant de ce fait l'intention délibérée de celui-ci de minorer la rémunération du salarié.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour condamner l'employeur à payer une indemnité au salarié au titre du travail dissimulé, l'arrêt retient que les bulletins de paie ne mentionnent aucun paiement d'heures supplémentaires au taux de 50 % alors que les bulletins de présence prouvent que le salarié a accompli à plusieurs reprises un horaire hebdomadaire supérieur à 43 heures, que la comparaison des feuilles de présence avec les bulletins de paie correspondants, étant précisé que les heures supplémentaires étaient payées par trimestre civil, permet de constater que toutes les heures effectuées et figurant sur les relevés de présence non remis en cause par l'employeur, n'ont pas été payées et que celles au-delà de 43 heures n'avaient jamais été majorées à 50 % ; que l'employeur ne démontre pas que le salarié aurait bénéficié de repos compensateur, aucun document ne faisant mention de la prise d'un tel repos et la société ne justifiant pas de l'accord d'entreprise le prévoyant, que l'omission par l'employeur de régler les heures supplémentaires dans leur totalité et avec leur majoration, alors qu'il disposait des relevés de présence, démontre l'intention délibérée de celui-ci de minorer la rémunération du salarié ;
Mais la Cour de cassation n’approuve en aucun cas l’arrêt de la cour d’appel.
Pour faire un résumé très bref du présent arrêt, elle indique qu’une erreur dans l’application des taux de majoration des heures supplémentaires ne saurait démontrer une situation de travail dissimulé.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations de l'arrêt que l'ensemble des heures supplémentaires figurait sur les bulletins de salaire et que la seule application erronée du taux de majoration des heures supplémentaires ne saurait caractériser l'intention de dissimulation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Collomb Industries à payer à M. X... la somme de 12 000 euros de dommages-intérêts à ce titre et la somme de 10 641 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 30 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Commentaire de LégiSocial
Comment ne pas évoquer, à la lecture de la présente affaire, les taux de majoration des heures supplémentaires, et le régime depuis… la loi travail ?
Majoration des heures supplémentaires
Dans le cadre de la négociation collective, l’article L 3121-33 du code du travail modifié par l’article 8 de la loi travail confirme que le taux de majoration, qui ne peut être inférieur à 10%, est prévu par :
- Convention ;
- Accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.
Article L3121-33
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
I.-Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche :
1° Prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ; (…)
Nous noterons que la loi travail donne désormais une prééminence aux accords d’entreprise ou d’établissements.
En effet, ces derniers peuvent déroger aux taux prévus par des accords de branche, sous réserve de respecter bien entendu le taux de majoration minimum de 10%.
C’est dans le cadre des dispositions dites «supplétives », que l’article L 3121-36 dans sa version modifiée au 10 août 2016 confirme qu’à défaut d’accord collectif les heures supplémentaires donnent lieu à majoration de salaire de :
- 25% pour chacune des 8 premières heures supplémentaires ;
- 50% pour les heures suivantes.
Article L3121-36
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
A défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
Rémunération mensuelle lorsque la durée collective hebdomadaire est supérieure à la durée légale et loi travail
Selon l’article L 3121-31 modifié du code du travail, la rémunération mensuelle peut alors être calculée en multipliant la rémunération horaire par les 52/12ème de la durée hebdomadaire collective (NDLR : nous nous trouvons alors dans une situation d’heures supplémentaires structurelles).
Rappelons que la rémunération mensuelle versée doit bien entendu tenir compte des majorations de salaire correspondant aux heures supplémentaires accomplies.
Article L3121-31
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Dans les entreprises dont la durée collective hebdomadaire de travail est supérieure à la durée légale hebdomadaire, la rémunération mensuelle due au salarié peut être calculée en multipliant la rémunération horaire par les cinquante-deux douzièmes de cette durée hebdomadaire de travail, en tenant compte des majorations de salaire correspondant aux heures supplémentaires accomplies.