Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 1er décembre 2007 en qualité de responsable d'affaires.
Convoqué le 9 septembre 2011 à un entretien préalable à son licenciement, avec mise à pied conservatoire, le salarié saisit la juridiction prud'homale le 12 septembre 2011 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes.
Il est finalement licencié pour faute grave par lettre reçue le 21 septembre 2011.
Dans sa demande auprès de la juridiction prud’homale, le salarié réclame le paiement d’un rappel de commissions sur le chiffre d’affaires.
Dans son arrêt du 8 octobre 2015, la Cour d'appel d'Orléans déboute le salarié de sa demande, considérant que le bien-fondé des demandes du salarié n’est pas établi à défaut de justification de la réalisation de cette commande et du paiement des prestations afférentes.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paiement d'un rappel de commissions sur le chiffre d'affaires de (…) et sur marge résidence (…) l'arrêt retient que le bien-fondé de ces demandes n'est pas établi à défaut de justification de la réalisation de cette commande et du paiement des prestations afférentes ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.
Elle indique ainsi que :
- Lorsque la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur ;
- Celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; (…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes en paiement d'un rappel de commissions sur le chiffre d'affaires de (…) l'arrêt rendu le 8 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Commentaire de LégiSocial
Notion assez proche de celle qui est abordée présentement par la Cour de cassation, nous vous proposons dans la partie commentaires de ce jour d’aborder une clause particulière du contrat de travail dite « clause d’objectifs ».
Principe et objectif
Le contrat de travail peut organiser une variation future de la rémunération dés lors que les modalités de variation sont clairement définies dans le contrat.
Les objectifs peuvent être :
- Quantitatif : chiffre d’affaires réalisé, nombre de contrats réalisés, quantité de produits vendus, etc. ;
- Qualitatif : mise en place d’une organisation, réalisation d’un projet, taux de marge, taux satisfaction clientèle, etc.
7 Conditions de validité ?
Ce sont les différents arrêts de jurisprudence qui ont délimité les conditions de validité de cette clause.
On peut en dénombrer 7.
1/ L’employeur doit respecter les minimas légaux
En aucun cas, l’employeur ne pourra rémunérer son salarié en deçà du SMIC mensuel (si le salarié est à temps plein) ou d’un minimum conventionnel par l’application de cette clause.
2/ Risques
L’employeur ne doit pas faire peser sur le salarié les risques de l’entreprise (par exemple : imputer au salarié les pertes comptables)
3/ Transparence des calculs
L’employeur doit être capable de justifier les différents calculs aboutissant au chiffrage de la prime d’objectif déterminée par la clause.
4/ Pas de calculs basés sur certaines valeurs
Il est interdit de baser les calculs sur :
- Le niveau général des prix ;
- La valeur du SMIC horaire ;
- Un nombre de kilomètres parcourus (afin de ne pas porter atteinte à la santé ou sécurité du salarié).
5/ Critères d’évaluation indépendants de la volonté de l’employeur
Il n’est pas autorisé de prévoir une modification de façon discrétionnaire des éléments de calculs de la rémunération variable prévue sur le contrat de travail.
6/ Respect de la convention collective
Comme toutes les clauses du contrat de travail, la clause d’objectif doit respecter les dispositions conventionnelles.
7/ Pas de rupture si les objectifs ne sont pas réalisés
L’employeur n’a pas le droit de prévoir une rupture automatique du contrat de travail si les objectifs ne sont pas réalisés.
Cour de cassation du 14/11/2000 n° 98-42371
Si un contentieux intervient, ce sont les juges qui décideront si le fait incriminé doit faire l’objet ou non d’un licenciement, dans le respect de l’article L 1235-1 du Code du travail (modifié par la loi dite « Macron »).
Article L1235-1
Modifié par LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 - art. 258 (V)
En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l'article L. 1411-1, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d'orientation proposer d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié.
Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre.
A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.
Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud'homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat.
Ce référentiel fixe le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.
Si les parties en font conjointement la demande, l'indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel.Si un doute subsiste, il profite au salarié.