Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 28 octobre 2003 en qualité d'agent de surveillance.
Par la suite, le salarié est promu dans les fonctions d'assistant de planning par avenant du 18 septembre 2006 qui fixe la rémunération mensuelle brute à 1.700 euros, incluant l'accomplissement d'une astreinte de fin de semaine et de six astreintes de nuit par mois.
Le salarié est licencié le 3 octobre 2007 pour faute grave, pour avoir refusé d'effectuer des astreintes depuis le 31 août 2007.
Il saisit la juridiction prud'homale le 14 septembre 2011, estimant que la mise en place d’astreintes par son contrat de travail n’est pas conforme aux dispositions légales.
La Cour d’appel de Colmar, dans son arrêt du 30 juin 2015, déboute le salarié de sa demande.
Elle indique que les astreintes peuvent également être prévues dans le contrat de travail et ont dès lors un caractère obligatoire pour le salarié.
Le refus du salarié pouvait donc motiver la rupture de son contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que des astreintes peuvent également être prévues dans le contrat de travail et ont dès lors un caractère obligatoire pour le salarié, que tel a été le cas en l'espèce, que le salarié ne pouvait refuser d'accomplir des astreintes au prétexte qu'elles n'avaient été prévues ni par un accord collectif ni par une décision unilatérale de l'employeur après consultation des organes représentatifs du personnel, qu'elles étaient obligatoires pour lui en vertu d'un engagement contractuel qu'il ne pouvait remettre en cause unilatéralement ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.
Elle relève en effet que ces astreintes n’avaient été prévues ni par accord collectif, ni fixées après consultation des institutions représentatives du personnel.
Ces astreintes ne pouvaient ainsi s’imposer au salarié, et son refus ne pouvait entrainer la rupture de son contrat de travail.
L’affaire est renvoyée devant une nouvelle cour d’appel de Metz.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que les astreintes n'avaient été ni prévues par accord collectif, ni fixées après consultation des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ; (…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes relatives à la compensation des astreintes, de celles relatives à la rupture du contrat de travail, (…) , l'arrêt rendu le 30 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire est pour nous l’occasion d’évoquer les heures d’astreinte, et plus précisément la mise en place du régime d’astreinte depuis la loi travail.
La définition
C’est désormais au sein de l’article L 3121-9 que nous est proposée la définition d’une période d’astreinte (article auparavant consacré aux équivalences).
Nous remarquerons que les termes « a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise » sont désormais remplacés par « doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.».
Au sein du même article est intégré un nouveau paragraphe confirmant que :
- La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Nous remarquerons également que la définition de l’astreinte, donnée par le présent article L 3121-9, précise bien que l’astreinte ne se déroule pas sur le lieu de travail (certains arrêts de la Cour de cassation semblent avoir été pris en considération en l’espèce).
Article L3121-9
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
La mise en place
C’est dans le cadre du champ de la négociation collective, et au sein d’un article profondément modifié par la loi travail, que nous retrouvons désormais les conditions de mises en place correspondantes.
Cette mise en place peut être réalisé par :
- Convention ;
- Accord d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.
Cette convention ou cet accord fixe :
- Le mode d'organisation des astreintes ;
- Les modalités d'information ;
- Les délais de prévenance des salariés concernés ;
- Ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.
Article L3121-11
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.
Dispositions supplétives
C’est le cadre du champ des « dispositions supplétives », que nous retrouvons l’article L 3121-12 modifié (auparavant consacré au contingent en matière d’heures supplémentaires).
Il y est confirmé, qu’en l’absence d’accord collectif prévu à l’article L 3121-11 :
- Le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail.
Article L3121-12
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
A défaut d'accord prévu à l'article L. 3121-11 :
1° Le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail ;
2° Les modalités d'information des salariés concernés sont fixées par décret en Conseil d'Etat et la programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à leur connaissance quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu'ils en soient avertis au moins un jour franc à l'avance.