Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 3 novembre 1992 en qualité de secrétaire assistante par une société d’avocats.
Cette salariée se trouve en arrêt maladie du 1er au 15 février 2010 puis du 18 octobre 2010 au 31 janvier 2011.
Elle saisit, le 28 décembre 2010, la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
A l'issue d'examens médicaux, elle est déclarée inapte à son poste le 14 mai 2011, un reclassement sur un autre site pouvant être envisagé.
Après avoir refusé deux propositions de reclassement, elle est licenciée, le 11 août 2011.
Dans son arrêt du 12 novembre 2015, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence donne raison à la salariée, et prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail.
L’employeur décide de se pourvoir en cassation, faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée à effet du 11 août 2011, et de dire cette rupture assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée à effet du 11 août 2011, de dire cette rupture assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer diverses indemnités de rupture alors, selon le moyen :
Mais la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant à cette occasion le pourvoi formé par l’employeur.
Les juges considèrent que l’employeur, en ne prenant aucune mesure pour remédier à la situation de souffrance exprimée par la salariée et matérialisée par des circonstances objectives, l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité, et que ce manquement était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait des pièces versées aux débats que le climat au sein du cabinet s'était fortement dégradé au cours de l'année 2009, que les échanges de courriers postérieurs au refus de l'employeur du passage à temps plein démontraient la souffrance psychologique de la salariée, que le départ de l'avocat associé avec lequel elle avait travaillé de nombreuses années, concomitamment à l'arrêt maladie de sa seule collègue au secrétariat du département judiciaire, était de nature à la déstabiliser, la cour d'appel, qui en a déduit qu'en ne prenant aucune mesure pour remédier à la situation de souffrance exprimée par l'intéressée et matérialisée par des circonstances objectives, l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité et fait ressortir que ce manquement avait été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente évoque la résiliation judiciaire du contrat de travail, et nous vous proposons de découvrir les principales différences, entre ce mode de rupture du contrat et la prise d’acte par le salarié.
Définition de la résiliation judiciaire
La demande de résiliation judiciaire du contrat par le salarié, consiste à demander au conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail.
Cela implique que le contrat de travail continue de produire ses effets tant que le juge ne s’est pas prononcé.
Le salarié poursuit son activité et l’employeur verse toujours la rémunération à son salarié.
Seul le salarié est habilité à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
La prise d’acte ne peut pas être assimilée à une résiliation judiciaire
C’est ce que la Cour de cassation a confirmé dans un de ces arrêts.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu, d'une part, qu'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par un salarié ne peut être assimilée à une prise d'acte de la rupture ; que le salarié s'étant désisté de sa demande de résiliation, la cour d'appel a, à bon droit, statué sur le licenciement prononcé ultérieurement ; (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;Cour de cassation du 21/03/2007 pourvoi 05-45392
La résiliation judiciaire pour un contrat CDD
A la différence de la prise d’acte, la résiliation judiciaire est envisageable pour les contrats CDD, la procédure étant toutefois restreinte.
Elle n’est en fait possible que si le salarié invoque une faute grave de l’employeur ou un cas de force majeure (en conformité avec l’article L 1243-1 du code du travail)
Extrait de l’arrêt :
1 / que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant terme que pour faute grave ou force majeure et le juge, saisi d'une action en résiliation judiciaire, ne peut la prononcer que pour l'une de ces deux causes ;
Cour de cassation du 14/01/2004 pourvoi 01-40489
Article L1243-1
Modifié par LOI n°2014-1545 du 20 décembre 2014 - art. 6
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
Lorsqu'il est conclu en application du 6° de l'article L. 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.
Demande de résiliation judiciaire suivie d’une prise d’acte
Si un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat puis prend acte de la rupture de son contrat de travail avant que les juges ne se soient prononcés, la demande de résiliation judiciaire devient sans objet.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ;
Et attendu que la cour d'appel a décidé que les faits reprochés par le salarié étaient fondés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation du 31/10/2006 pourvoi 04-46280
Prise d’acte pendant la procédure de demande de résiliation judiciaire
Si la prise d’acte se produit alors que les juges ne se sont pas prononcés, le contrat est rompu quand bien même la demande de résiliation soit antérieure à la prise d’acte.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que Mme X..., engagée par l'association Y… en qualité de formatrice, d'abord par contrat à durée déterminée le 18 octobre 1999, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 18 décembre 2000, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à la résolution judiciaire de son contrat de travail ; qu'en cours de procédure, elle a pris acte le 20 octobre 2003 de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a demandé que cette rupture soit requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué , après avoir constaté que la salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 20 octobre 2003 exposant qu'il était lui était impossible de reprendre son poste de travail à l'issue d'un arrêt de travail compte tenu de la rétrogradation et de la mise à l'écart dont elle avait fait l'objet, énonce que l'employeur, qui considère le contrat de travail rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement et qu'à défaut, la rupture s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur les griefs invoqués par la salariée à l'appui de sa prise d'acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que la rupture du contrat de travail de Mme X... s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a condamné Y… à lui payer les sommes de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 3 488 euros à titre d'indemnité de préavis, 1 395 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 1 500 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, ainsi que 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Cour de cassation du 15/03/2006 pourvoi 05-41376