Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 1er avril 1993 en qualité d'attaché commercial.
Il est licencié pour motif économique le 9 février 2012.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement économique non fondé, en raison de la rédaction de sa lettre de licenciement.
Celle-ci est rédigée comme suit :
Extrait de l’arrêt :
En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée
« Vous faites actuellement l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique.
Vous êtes en effet entré dans notre entreprise en 1993 en tant qu'attaché commercial.
Dans ce poste, votre mission consistait dans la gestion et le développement d'une clientèle directe d'entreprises du bâtiment et de particuliers.
Ce type de clientèle représentait à l'époque plus de 50 % du chiffre d'affaires réalisé par (…), qui restait à l'époque une entreprise purement locale.
Depuis le début des années 2000, le marché sur lequel nous évoluons a fondamentalement changé par la montée en puissance progressive des entreprises de négoces de matériaux de construction, auxquelles se sont adressés de plus en plus les professionnels du bâtiment et les particuliers. Aujourd'hui, la quasi-totalité de notre chiffre d'affaires est réalisée avec des négociants, avec qui les conditions tarifaires sont négociées annuellement par la direction, et qui se répartissent sur la région Rhône-Alpes.
La clientèle direction que vous aviez en charge de gérer et de développer a disparu.
Votre poste s'est ainsi vidé de son contenu et est en conséquence supprimé.
Vous avez refusé la proposition de reclassement que nous vous avions proposé.
Le niveau de notre effectif est de 7, 33 équivalents temps plein, ne nous permet aucune autre proposition.
Par ailleurs nos recherches auprès de nos entreprises locales sont restées sans réponse. (...) ».
Dans un premier temps, la Cour d'appel de Grenoble dans son arrêt du 3 mars 2016 donne raison au salarié.
Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, retenant tout comme elle le fait que la lettre de licenciement « ne comportait pas l'énonciation de la raison économique du licenciement, la seule circonstance que le marché aurait changé ne pouvant tenir lieu d'une telle raison ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que répond aux exigences légales, résultant de la combinaison des articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement qui fait référence à une réorganisation et à la suppression subséquente de l'emploi du salarié concerné ; qu'en considérant que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée en ce qu'elle ne comportait pas concrètement l'énonciation de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de nécessité de réorganisation de l'entreprise que rencontrait l'entreprise, ni a fortiori d'un lien entre un motif économique et la suppression du poste de M. X... et que la référence au fait que le marché aurait changé depuis le début des années 2000 n'impliquait pas l'existence de difficultés économiques en 2012 date du licenciement, quand le courrier de licenciement de la société (…)faisait état de la disparition de la clientèle directe d'entreprises du bâtiment et de particuliers, dont la gestion et le développement constituaient l'activité du salarié, ce qui avait entraîné une réorganisation afin de s'adapter à l'évolution du marché et donc de sauvegarder sa compétitivité, en passant par des entreprises de négoces de matériaux de construction avec une négociation directe par la direction, et la suppression subséquente du poste du salarié, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
Mais attendu qu'après avoir exactement rappelé les termes de la lettre de licenciement, la cour d'appel a justement retenu qu'elle ne comportait pas l'énonciation de la raison économique du licenciement, la seule circonstance que le marché aurait changé ne pouvant tenir lieu d'une telle raison ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
A l’occasion du présent arrêt, nous vous rappelons les dispositions concernant le licenciement économique, depuis la loi travail.
LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, JO du 9 août 2016
Définition générale
Constitue désormais un licenciement économique, celui qui répond à la définition suivante :
- Licenciement non-inhérent à la personne du salarié ;
- Licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié.
4 causes de licenciement
La loi travail complète désormais la liste des causes de licenciement (qui n’est toutefois pas limitative).
Sont ainsi confirmées les 4 causes pouvant justifier le licenciement économique :
- Difficultés économiques ;
- Mutations technologiques ;
- Réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
- Cessation d'activité de l'entreprise.
Précisions sur la notion de « difficultés économiques »
Au sein de l’article L 1233-3 du code du travail, les difficultés économiques sont caractérisées :
- Soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation ;
- Soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires
Nouveauté introduite par la loi travail, la baisse considérée « significative » des commandes ou du chiffre d’affaires varie selon l’effectif de l’entreprise, en retenant une période identique de l’année précédente et au moins égale à :
- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
- 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
Appréciation au niveau de l’entreprise
Un nouvel alinéa est ajouté à l’article L 1233-3, selon lequel la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Entrée en vigueur : 1er décembre 2016
Cette nouvelle définition du licenciement économique est entrée en vigueur le 1er décembre 2016.
Article L1233-3
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 67
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
- a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
- b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
- c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
- d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.
Rappel :
Lorsque le motif économique n’est pas reconnu, le licenciement est alors considéré comme ayant été prononcé sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences.