Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 24 janvier 1994 par une entreprise générale de bâtiment, en qualité de couvreur.
Victime d'un accident du travail, le salarié est déclaré, à l'issue de 2 examens, inapte au poste de couvreur, mais apte à un poste de maçon.
Il saisit la juridiction prud'homale, notamment d’une demande de paiement des indemnités spéciales de licenciement prévues en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle.
Dans son arrêt du 4 septembre 2015, la Cour d'appel de Bourges déboute le salarié de sa demande, estimant que son refus d'occuper un poste de maçon conforme aux préconisations du médecin du travail, sans faire connaître les raisons de ce refus et notamment en quoi il y aurait eu modification de son contrat de travail, raisons toujours inconnues en cause d'appel, était abusif.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de paiement des indemnités spéciales de licenciement prévues en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle, l'arrêt retient que celui-ci a déclaré au médecin du travail être maçon-couvreur et que son refus d'occuper un poste de maçon conforme aux préconisations du médecin du travail, sans faire connaître les raisons de ce refus et notamment en quoi il y aurait eu modification de son contrat de travail, raisons toujours inconnues en cause d'appel, était abusif ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, cassant et annulant son arrêt sur ce point.
A l’occasion de son arrêt, elle apporte une précision importante, selon laquelle « le seul fait pour le salarié de ne pas indiquer à l'employeur les motifs du refus de postes estimés conformes à l'avis du médecin du travail ne caractérise pas à lui seul le caractère abusif de ce refus ».
Extrait de l’arrêt :
Qu'en se déterminant ainsi, alors que le seul fait pour le salarié de ne pas indiquer à l'employeur les motifs du refus de postes estimés conformes à l'avis du médecin du travail ne caractérise pas à lui seul le caractère abusif de ce refus, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si celui-ci n'était pas justifié par une modification du contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. X... en paiement de dommages-intérêts pour défaut de mise en oeuvre du régime de prévoyance et d'indemnités spéciales de licenciement prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt rendu le 4 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant le reclassement en cas d’inaptitude du salarié, selon le nouveau régime en vigueur depuis la loi travail.
Obligation de reclassement
Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :
- Article L 1226-2-1;
- Article L 1226-12 ;
- Article L 1226-20.
Sont ainsi confirmés les points suivants :
- L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
- Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).
Article L1226-2-1
Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Article L1226-12
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Article L1226-20
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.
Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.
Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.
La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.
Les 4 motifs permettant d’invoquer le licenciement
Depuis le 1er janvier 2017, le licenciement pour inaptitude (d’origine professionnelle ou non) doit donc reposer sur l’un des 4 motifs suivants :
- L’impossibilité, justifiée, pour l’employeur de proposer un « emploi de reclassement » ;
- Le refus par le salarié de l’emploi proposé ;
- La mention expresse, dans l’avis d’inaptitude établi par le médecin du travail, que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
- La mention expresse, dans l’avis d’inaptitude établi par le médecin du travail, que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ».
Nota :
Concernant les motifs 3 et 4, nous remarquerons qu’il n’est donc pas exigé que l’employeur justifie de l’impossibilité de reclassement.
Il s’en trouve qu’il se trouve alors dans les cas de « dispenses de reclassement ».
Dispense de reclassement
La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.
Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :
- Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :
- En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
- Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.