Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée, le 1er avril 2005, en qualité de comptable.
Elle démissionne le 28 février 2011, indiquant qu'elle quitterait l'entreprise le 31 mars, au terme de son préavis.
Finalement, le 18 août 2011, elle saisit la juridiction prud'homale, contestant sa démission et sollicitant une somme à titre de rappel d'heures supplémentaires et de salaires.
Dans son arrêt du 10 avril 2015, la Cour d'appel de Lyon déboute la salariée de sa demande.
Elle indique les points suivants :
- Elle relève que la 1ère lettre de réclamation de la salariée était intervenue plus de 6 mois après l'envoi de sa lettre de démission ;
- Que les termes de sa lettre du 18 août 2011, dans laquelle elle indiquait avoir sollicité depuis plusieurs mois la rémunération de ses heures supplémentaires ne sont étayés par aucun élément ;
- Le fait que la salariée avait pu continuer à intervenir dans l'entreprise au-delà de la fin du préavis, et à bénéficier du véhicule professionnel conforte l'absence de manquements imputables à son employeur ;
- Et enfin, que la teneur des mails adressés à ses divers collègues témoigne d'une démission pour rejoindre une nouvelle fonction.
Sans grande surprise, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant à ce titre le pourvoir formé par la salariée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'après avoir relevé que la première lettre de réclamation de la salariée était intervenue plus de six mois après l'envoi de sa lettre de démission, que les termes de sa lettre du 18 août 2011, dans laquelle elle indiquait avoir sollicité depuis plusieurs mois la rémunération de ses heures supplémentaires ne sont étayés par aucun élément, que le fait qu'elle ait pu continuer à intervenir dans l'entreprise au-delà de la fin du préavis, et à bénéficier du véhicule professionnel conforte l'absence de manquements imputables à son employeur, que la teneur des mails adressés à ses divers collègues ne révèle nullement une rupture dans un contexte conflictuel, mais témoigne d'une démission pour rejoindre une nouvelle fonction, la cour d'appel a pu décider que rien ne permettait de remettre en cause la manifestation de sa volonté claire et non équivoque de démissionner ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente nous permet de rappeler quelques notions importantes concernant la rétractation en cas de démission.
Rétractation valable
Même si la rétraction n’est pas « a priori » possible dans le cas d’une démission, il n’en est pas de même si la démission ne procède pas d’une volonté libre et réfléchie de la part du salarié.
Dans ce cas, il est de jurisprudence constante, de considérer que la rétractation s’impose à l’employeur.
Le refus de ce dernier peut conduire à requalifier la démission en un licenciement, voire en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Rétractation dans un délai « raisonnable »
Bien entendu, il n’existe pas de délai fixé par le Code du travail.
Ce sont les cas de jurisprudences qui permettent de définir une certaine norme.
Sans donner d’indications fermes et définitives, les exemples suivants peuvent permettre de distinguer les cas de rétractations faites dans un délai jugé « raisonnable ».
Rétractation faite le lendemain ou le surlendemain
Un chauffeur routier s’était fait dérober le camion avec lequel il assurait la livraison de la clientèle.
Au terme d’un entretien avec son employeur, il avait annoncé sa démission.
Finalement, il s’était rétracté le surlendemain au motif qu’il avait démissionné sous la contrainte de poursuites pénales.
Finalement, la Cour de cassation avait requalifié cette démission en un licenciement pur et dur.
Arrêt Cour de cassation du 6/11/1996 arrêt 93-45150 D
Rétractation 1 mois plus tard
Un salarié est engagé le 25/02/202 en qualité de directeur du département réseaux et sécurité.
Il démission sans réserve par lettre du 12/12/2005.
Le salarié remet en cause sa démission par lettre du 17/01/2006 et saisit la juridiction prud’homale pour voir juger sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il réclame de plus le paiement de diverses sommes, réclamant dans sa lettre de janvier 2006, soit un mois après sa lettre de démission le versement de la partie variable de sa rémunération.
La Cour d’appel puis par la suite la Cour de cassation donnent raison au salarié, jugeant que la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner dans le cas présent n’était pas établie.
La démission est donc requalifiée en une prise d’acte de rupture du contrat de travail pour laquelle les griefs sont fondés, permettant ainsi sa requalification en licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse aux torts de l’employeur.
Arrêt Cour de cassation du 25/05/2011 Pourvoi 09-66.671
Rétractation trop tardive
Tout comme pour le point précédent, il n’existe pas de délai fixé par le Code du travail.
Plus le temps passe, moins la rétractation aura de valeur.
Rétractation 3 semaines plus tard
La Cour de cassation a jugé qu’une rétractation prononcée 3 semaines après la démission était tardive.
Cour de cassation du 4/02/1998 arrêt 99-44854 D
Rétractation 22 plus jours plus tard
Cour de cassation du 14/06/2006 arrêt 03-48413 D
Rétractation... 4 ans plus tard !
Cour de cassation du 12/07/2007 arrêt 06-40344 D