Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne une société, qui suite à un contrôle URSSAF, connait un redressement de cotisations.
Les services de l’URSSAF décide de réintégrer dans l'assiette des cotisations le montant des indemnités de trajet prévues par l'article 8.17 de la convention collective des entreprises du bâtiment qui aurait dû être versé aux salariés se rendant sur les chantiers.
La société décide de saisir d’un recours une juridiction de sécurité sociale.
Dans sa décision du 18 avril 2016, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Indre-et-Loire donne raison à l’employeur, au motif que les ouvriers concernés par les indemnités de trajet, objets du litige, devaient passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers, et qu'il y repassaient à leur retour, et enfin qu'ils étaient rémunérés pendant leur trajet du siège au chantier et retour ; que dès lors, il n'existe aucune sujétion pour le salarié à se rendre sur les chantiers puisqu'il est rémunéré et l'indemnité de trajet n'a dès lors pas lieu d'être versée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour accueillir ce dernier, le jugement retient qu'il est constant que les ouvriers doivent passer par le siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers, et qu'il y repassent à leur retour, et enfin qu'ils sont rémunérés pendant leur trajet du siège au chantier et retour ; que dès lors, il n'existe aucune sujétion pour le salarié à se rendre sur les chantiers puisqu'il est rémunéré (étant d'ailleurs à cette occasion sous l'autorité de l'employeur qui se doit dès lors de le payer en salaire, puisqu'il s'agit d'un temps de travail effectif au sens de l'article L. 3121-1 du code du travail) et l'indemnité de trajet n'a dès lors pas lieu d'être versée ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, considérant que la société était tenue de verser l’indemnité de trajet prévue conventionnellement, de sorte que ces indemnités même non versées devaient être soumises aux cotisations sociales.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que la société était tenue de verser l'indemnité de trajet prévue par l'article 8.17 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises non visées par le décret du 1er mars 1962 occupant plus de dix salariés, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 18 avril 2016, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Orléans ;
Commentaire de LégiSocial
Même si cet arrêt peut surprendre, la Cour de cassation fait ici une application stricte de l’article R 242-1 du code de la sécurité sociale que nous reproduisons ci-après.
Article R242-1
Modifié par Décret n°2016-1567 du 21 novembre 2016 - art. 3
I.-Les cotisations de sécurité sociale sont calculées, pour chaque période de travail, sur l'ensemble des rémunérations définies à l'article L. 242-1, dans les conditions prévues au II.
Sont incluses dans la base des cotisations les allocations complémentaires aux indemnités journalières de sécurité sociale, versées au titre de périodes d'incapacité temporaire de travail consécutive à une maladie, un accident, une maternité, en application du contrat de travail ou d'une convention collective de travail, lorsqu'elles sont destinées à maintenir en tout ou en partie, pendant ces périodes, le salaire d'activité, que ces allocations soient versées directement par l'employeur ou pour son compte par l'intermédiaire d'un tiers.
Les dispositions ci-dessus ne sont applicables qu'aux allocations complémentaires versées au titre des périodes pendant lesquelles le contrat individuel de travail qui lie le salarié à l'employeur reste en vigueur.
Des arrêtés conjoints du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l'agriculture, et du ministre chargé du budget déterminent les conditions et limites dans lesquelles la rémunération peut faire l'objet d'un abattement pour frais professionnels.
Des arrêtés conjoints du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget déterminent la valeur représentative des avantages en nature et des pourboires à prendre en considération pour le calcul des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
Le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d'une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d'autre part, des indemnités, primes ou majorations s'ajoutant audit salaire minimum en vertu d'une disposition législative ou d'une disposition réglementaire.
Toutefois, les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables aux assurés pour lesquels les cotisations sont, conformément aux articles L. 241-2, L. 241-3 et L. 241-6, fixées forfaitairement par arrêtés du ministre chargé de la sécurité sociale.
La contribution ouvrière n'est pas due par le travailleur salarié ou assimilé accomplissant un travail non bénévole qui, ne percevant aucune rémunération en argent de la part de son employeur ou par l'entremise d'un tiers, ni à titre de pourboires, reçoit seulement des avantages en nature ou le bénéfice d'une formation professionnelle à la charge de l'employeur.
Dans ce cas, les cotisations patronales dues au titre des législations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont fixées forfaitairement par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
II.-Les taux et plafonds applicables pour le calcul des cotisations sociales sont ceux en vigueur au cours de la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues.
Les taux et plafonds appliqués aux rémunérations mentionnées à l'alinéa précédent sont également appliqués aux rémunérations rattachées à la même paie dues au titre d'autres périodes.
Par dérogation à l'alinéa précédent :
1° Pour les rappels de rémunérations ordonnés par décision de justice, il est fait application des taux et plafonds en vigueur lors des périodes de travail donnant lieu à ces rappels ;
2° Pour les sommes versées après le départ du salarié, il est fait application des taux et plafonds applicables lors de la dernière période de travail de celui-ci.NOTA :
Conformément au VII de l'article 8 du décret n° 2016-1567 du 21 novembre 2016 modifié par l'article 9-III du décret n° 2017-858 du 9 mai 2017, ces dispositions sont applicables aux périodes de travail pour lesquelles la rémunération est versée à compter du 1er janvier 2018.
Selon le premier alinéa de cet article, il est bien précisé que « le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations (…) ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d'une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés (…) et, d'autre part, des indemnités, primes ou majorations s'ajoutant audit salaire minimum en vertu d'une disposition législative ou d'une disposition réglementaire.»
Concrètement, à s’en tenir au présent arrêt, la base de calcul des cotisations sociales devait prendre en compte les indemnités de trajet, nonobstant le fait que l’employeur ne les avait pas versées.
En d’autres termes, l’URSSAF était présentement en droit d’opérer un redressement sur des sommes « qui auraient dû être versées aux salariés ».