Fixation des objectifs en anglais : la Cour de cassation précise

Jurisprudence
RH Contrat de travail

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Contexte de l'affaire

Un salarié français est engagé le 30 août 2010, en qualité d'administrateur de bases de données senior statut cadre.

Son contrat de travail stipule une rémunération fixe et une rémunération variable pouvant atteindre 10 % du salaire fixe annuel si l'ensemble des objectifs fixés unilatéralement par l'employeur sont atteints.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, dont une qui porte précisément sur les documents transmis par son employeur sur les objectifs indexant sa rémunération variable.

En effet, il considère que ces objectifs transmis dans un premier temps en anglais, ne lui sont pas opposables, nonobstant le fait que l’employeur avait par la suite proposé une traduction en français sur l’intranet de l’entreprise.

De ce fait, le salarié considère qu’il est en droit d’obtenir le paiement de rappel de salaire au titre de la rémunération variable. 

Dans son arrêt du 19 mai 2016, la Cour d'appel de Paris donne raison au salarié, retenant :

  • Que les objectifs pour la rémunération variable, dénommés « plan de bonus » avaient été communiqués au salarié, ressortissant français, en langue anglaise le 18 septembre 2012 et que, dès lors, peu important qu'ils aient été diffusés en français le 26 septembre suivant sur le site internet de l'employeur, ces objectifs lui sont inopposables. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour faire droit à la demande du salarié en paiement d'un rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour l'année 2012, l'arrêt retient d'une part, que les objectifs pour la rémunération variable de l'année 2012, dénommés « plan de bonus 2012 », ont été communiqués à M. X..., qui est ressortissant français, en langue anglaise le 18 septembre 2012 et que, dès lors, peu important qu'ils aient été diffusés en français le 26 septembre suivant sur le site internet de l'employeur, ces objectifs lui sont inopposables (…) 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée.

Elle considère en effet qu’un document fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable avait été rédigé en français et diffusé sur le site intranet de l'entreprise, ce qui permettait d’en conclure que l’employeur avait rempli son obligation légale, conforme aux termes de l’article L 1321-6 du code du travail. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors d'une part, qu'il résultait de ses constatations qu'un document fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable avait été rédigé en français et diffusé sur le site intranet de l'entreprise, ce dont elle aurait dû déduire que l'employeur avait satisfait à son obligation, d'autre part sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si, à la suite de l'intégration effective de la société (…) au sein du groupe (…)en juin 2012, la société (…), dont l'exercice courait du 1er juin au 31 mai, n'était pas dans l'impossibilité de fixer, en début d'exercice, des objectifs réalisables et pertinents, la cour d'appel a violé le premier des textes susvisés et a privé sa décision de base légale au regard du second de ces textes ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. X... une somme au titre de la rémunération variable pour l'année 2012 et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-20426

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire est l’occasion de rappeler certaines notions importantes concernant la rédaction du contrat de travail, ainsi que certaines clauses affectant la rémunération du salarié.

Rédaction du contrat de travail

Lorsqu'il est conclu en France, le contrat doit être rédigé en français. Il peut toutefois comporter des termes étrangers, sans correspondance en français, s'ils sont clairement expliqués.

Le salarié étranger peut demander la traduction de son contrat dans sa langue d'origine

Article L1221-3

Le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français.

Lorsque l'emploi qui fait l'objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail comporte une explication en français du terme étranger.

Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.

L'employeur ne peut se prévaloir à l'encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d'un contrat de travail conclu en méconnaissance du présent article. 

Clauses d’objectifs

Selon l’article L 1321-6 auquel se réfère la Cour de cassation dans la présente affaire, tout comme le règlement intérieur doit être rédigé en Français, il en de même pour :

  • Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail (comme la clause d’objectifs fixant la rémunération variable dans la présente affaire). 

Précision importante, ces dispositions ne sont toutefois pas applicables :

  • Aux documents reçus de l'étranger ;
  • Aux documents destinés à des étrangers. 

Article L1321-6

Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.

Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.

Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers