Contexte de l'affaire
Un joueur international de rugby, reçoit le 22 mars 2012 d’un club de rugby une offre de contrat de travail pour les saisons 2012/ 2013 et 2013/ 2014, à laquelle est jointe une convention prévoyant l'engagement pour les saisons sportives 2012/ 2013 et 2013/ 2014, une rémunération mensuelle brute de 3 875 euros pour la saison 2012/ 2013 et de 4 200 euros pour la saison 2013/ 2014, la mise à disposition d'un logement et d'un véhicule et un début d'activité fixé au 1er juillet 2012.
Dans un courrier électronique adressé le 6 juin 2012 à l'agent du joueur, le club indique ne pas pouvoir donner suite aux contacts noués avec ce dernier.
Le 18 juin 2012, la promesse d'embauche signée par le joueur de rugby est retournée au club.
Soutenant que la promesse d'embauche vaut contrat de travail, le joueur saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de sommes au titre de la rupture.
Dans son arrêt du 1er juin 2016, la Cour d'appel de Montpellier donne raison au demandeur.
Elle estime en effet, que le document transmis par l’employeur prévoyait outre l’emploi, mais également la rémunération et la date d’entrée en fonction et devait s’analyser en véritable contrat de travail.
Il importait peu que l’employeur renonce à sa promesse, même antérieurement à la signature du salarié.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de rupture abusive du contrat de travail l'arrêt retient qu'il résulte d'un courrier électronique adressé, le 22 mars 2012, par le secrétariat du club qu'une promesse d'embauche a été transmise à l'agent et représentant du joueur de rugby, que la convention prévoit l'emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d'entrée en fonction de sorte que cet écrit constitue bien une promesse d'embauche valant contrat de travail, que dans la mesure où le joueur a accepté la promesse d'embauche il en résultait qu'un contrat de travail avait été formé entre les parties et il importe peu que le club de rugby ait finalement renoncé à engager le joueur, même antérieurement à la signature du contrat par le joueur, que la promesse d'embauche engage l'employeur même si le salarié n'a pas manifesté son accord ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.
Selon elle le document transmis n’avait pas valeur de contrat de travail, tenant compte notamment du fait qu’il y manquait le consentement de son destinataire, le joueur de rugby en l’occurrence.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'acte du 22 mars 2012 offrait au joueur le droit d'opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait que son consentement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Commentaire de LégiSocial
C’est un arrêt marquant que rend présentement la Cour de cassation et constitue un véritable tournant dans la prise en compte de la promesse d’embauche.
Rappel de la situation avant l’arrêt du 21 septembre 2017
La promesse d’embauche engage véritablement l’employeur, elle a en fait valeur de contrat de travail, peu importe qu’elle contienne l’acceptation du salarié.
Ainsi une promesse d’embauche, même verbale, avait été considérée comme un engagement liant l’employeur à la personne sur le point d’être engagée.
Cour de cassation du 12/04/1995, arrêt 91-44249 FD
En revanche, la Cour de cassation dans son arrêt du 12/07/2006 (arrêt 04-47938 BCV) a considéré qu’une promesse d’embauche ne mentionnant ni l’emploi, la rémunération, date d’embauche ou temps de travail n’avait pas valeur d’engagement et ne liait pas le futur employeur et le futur salarié.
En d’autres termes, l’employeur n’avait pas la faculté de se rétracter.
L’arrêt du 21 septembre 2017
Ce que beaucoup considèrent comme un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation adopte désormais une attitude précise selon laquelle, il convient de distinguer :
- L’offre de contrat de travail ;
- Et la promesse unilatérale de contrat de travail.
L’offre de contrat de travail
Ainsi que l’indique la Cour de cassation dans l’arrêt du 21/09/2017, constitue une offre de contrat de travail :
- L’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation.
Cette offre de contrat de travail :
- Peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire ;
- Et que la rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire ; que la rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur ;
Promesse unilatérale de contrat de travail
Autre précision apportée par la Cour de cassation dans son arrêt du 21/09/2017, constitue une promesse unilatérale de contrat de travail:
- Le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ;
- Que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis.
En d’autres termes, nous pouvons en conclure que seule la « promesse unilatérale de contrat de travail » constitue désormais une promesse d’embauche valant contrat de travail.
Elle engage ainsi l’employeur, y compris lorsque le salarié n’a pas encore manifesté son accord, et ne peut donner lieu à rétractation sans encourir les conséquences d’une promesse d’embauche non tenue.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, en revanche, que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis ;