Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé à compter du 4 octobre 1999 en qualité de délégué commercial, puis promu le 1er septembre 2003 directeur régional et chef des ventes le 1er février 2011 chef des ventes.
Il est licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 3 octobre 2012, son employeur lui reprochant sa présence sur une plage à 3h du matin, à l’issue d’une journée de séminaire de manager, considérant que cette « sortie nocturne » était trop tardive au regard de la journée de travail prévue le lendemain.
Extrait de l’arrêt :
(…) qu'en l'espèce, la société (…) reproche à M. X... de s'être trouvé avec son équipe sur la plage à 3 heures du matin alors qu'une journée de travail était prévue le lendemain (…)
Estimant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié saisit la juridiction prud'homale, estimant que les faits qui lui étaient présentement reprochés relevaient de la « sphère privée » et ne portaient pas atteinte à l’entreprise de surcroît.
Dans son arrêt du 9 février 2016, la Cour d'appel de Riom donne raison au salarié.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant le pourvoi formé par l’employeur.
Outre le fait que le comportement du salarié relevait de la sphère privée, la Cour de cassation relevait que la qualité du travail réalisée le lendemain n’en avait pas été affectée par l'absence ou la fatigue des salariés, prouvant que des faits relevant de la sphère privée n’avaient pas eu un effet néfaste sur l’entreprise.
Nous noterons également que le fait « que le salarié ait sollicité le remboursement des frais exposés pendant cette soirée ne saurait avoir pour effet de la rattacher à sa vie professionnelle ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dénué de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement d'indemnités, alors selon le moyen :
1°/ que des comportements et des faits survenus à l'occasion d'un séminaire professionnel de deux journées se rattachent nécessairement à la vie professionnelle des participants sans que les notions de temps et lieux de travail puissent être retenues s'il ne s'agit pas d'un comportement strictement individuel et autonome, détachable de l'activité du groupe et de l'objet professionnel du rassemblement ; qu'en jugeant qu'en dehors des périodes travaillées, et spécialement le soir et la nuit, les salariés se trouvaient nécessairement sur un temps ressortant de leur vie privée, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1335-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que des frais professionnels sont des dépenses exposées par un salarié dans le cadre de son activité professionnelle et remboursées à ce titre par l'employeur ; qu'un salarié ne peut sans contradiction demander le remboursement des frais occasionnés par une soirée organisée comme un élément de gestion de son équipe, durant une période de séminaire professionnel, et soutenir par ailleurs que cette soirée relevait de sa vie privée et de celle des autres participants ; qu'en jugeant que le fait que le salarié ait sollicité le remboursement des frais exposés pendant cette soirée ne saurait avoir pour effet de la rattacher à sa vie professionnelle, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1331-1, L. 1335-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme le commandaient les conclusions de l'employeur, si les fonctions du salarié et les responsabilités qui étaient les siennes dans l'organisation du séminaire et le contrôle de son déroulement ne commandaient pas qu'il informe la direction des ressources humaines de la survenue d'un accident, peu important à cet égard que son incurie n'ait pas eu de conséquence préjudiciable et que le service des ressources humaines ait été informé par d'autres salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1, L. 1335-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que bien que participant à un séminaire professionnel, le salarié se trouvait lors des événements de la nuit du 28 août 2012 dans un temps ressortant de sa vie privée sans que la qualité du travail réalisée le lendemain en fut affectée par l'absence ou la fatigue des salariés ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche et manquant par le fait qui lui sert de base en sa troisième branche, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Débutons notre partie commentaires, en rappelant qu’un licenciement peut être motivé par des faits issus de la vie privée du salarié que sous réserve que :
- Cet événement tiré de la vie privée ;
- Soit responsable d’un trouble au sein de l’entreprise, ce qu’il est coutume d’appeler des « troubles caractérisés ».
Rappels de jurisprudences
Rappelons à cet effet, quelques arrêts de la Cour de cassation
Le harcèlement peut être reconnu en dehors des heures de travail !
Lire aussi : Le harcèlement peut être reconnu en dehors des heures de travail ! Jurisprudence
Cette affaire concerne un salarié engagé le 24/01/2000 et qui occupe en dernier lieu les fonctions de superviseur d’une équipe de standardistes. Il est licencié pour faute grave le 24/10/2006, ...
Lorsqu’un fait tiré de la vie personnelle du salarié cause un trouble dans l’entreprise
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que si un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne peut constituer une faute, il en est autrement si le comportement de l'intéréssé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a causé un trouble objectif caractérisé au sein de cette dernière ;
Et attendu que la cour d'appel a fait ressortir que M. X..., utilisant sa qualité d'employé de l'hôtel pour tenter, y compris par la violence opposée au directeur, d'obtenir dans cet établissement des prestations supérieures à celles convenues, avait causé un tel trouble au sein de l'entreprise à l'occasion d'un fait de sa vie personnelle ;
que caractérisant ainsi le comportement fautif de l'intéressé, elle a pu en déduire qu'il rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait ainsi une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 16 mars 2004
N° de pourvoi: 01-45062 Non publié au bulletin
Quels sont les troubles caractérisés ?
Terminons notre partie commentaires, en proposant les troubles caractérisés qui pourraient être susceptibles pour l’employeur de tirer des faits issus de la sphère privée afin de motiver un licenciement pour faute :
- Un manquement à l’obligation de loyauté ;
- Des abus dans l’exercice d’une liberté ;
- Des atteintes à l’image de marque ou à la réputation de l’entreprise ;
- Des actes malhonnêtes commis à l’aide du matériel de l’entreprise;
- Etc.