Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 27 juin 1994 en qualité d'ouvrière spécialisée.
Elle est placée en arrêt de travail du 10 février 2006 au 30 septembre 2009 pour une affection prise en charge au titre de la législation professionnelle (accident du travail).
Après une rechute et un nouvel arrêt de travail à compter du 18 janvier 2010, elle est finalement déclarée inapte à l'issue de deux examens médicaux des 2 et 17 novembre 2011.
Elle est par la suite licenciée le 10 janvier 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mais la salariée décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant que l’indemnité qui lui a été versée, calculée comme l’indemnité compensatrice légale de préavis, devait ouvrir droit à une indemnité compensatrice de congés payés en référence.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Besançon, dans son arrêt du 29 janvier 2016, donne raison à la salariée.
Elle estime en effet que devait être versée à la salariée, outre l’indemnité compensatrice de préavis prévue légalement, l’indemnité compensatrice de congés payés.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'après avoir retenu l'origine professionnelle de l'inaptitude, l'arrêt condamne l'employeur à payer à la salariée une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice égale à l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail y compris les congés payés y afférents ;
Sans grande surprise, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, confirmant sa jurisprudence constante selon laquelle l’indemnité versée, nonobstant le fait qu’elle soit chiffrée comme l’indemnité compensatrice légale de préavis, ne peut être assimilée à une « réelle » indemnité compensatrice de préavis et n’ouvre de ce fait pas le droit à une ICCP correspondante.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que l'indemnité prévue par ce texte, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et dès lors n'ouvre pas droit à congés payés ; (…)
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la condamnation de la société (…) à payer à Mme X...la somme de 2 796, 80 euros au titre de l'indemnité spécifique de l'article L. 1226-14 du code du travail est prononcée " y compris les congés payés y afférents ", l'arrêt rendu le 29 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Commentaire de LégiSocial
Même si l’arrêt de la cour d’appel peut surprendre dans la présente affaire, nous en profitons pour rappeler quelques notions concernant cette « indemnité » chiffrée comme l’indemnité compensatrice de préavis mais qui… n’en est pas une en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement.
Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel
Dans ce cas précis, le salarié ne doit pas effectuer de préavis.
Il doit percevoir néanmoins :
- Une indemnité d’un montant égal à l’indemnité légale de préavis;
Article L1226-14
La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.
Article L1226-16
Les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.
- Cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis ;
Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328
- De ce fait, le salarié n’est pas en droit de demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis prévue par la Convention collective ;
- L’indemnité versée n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis légale (même si la valeur est identique), la date de rupture du contrat de travail n’est pas repoussée ;
- L’indemnité d’une valeur égale à l’indemnité compensatrice de préavis sera calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire (article L 1226-16 du Code du travail) ;
- Le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Et en cas d’inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel
Les conditions ont été modifiées suite à la publication de la loi 2012-387 du 22/03/2012 (Loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JO 23/03/2012).
Ainsi, lorsqu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour une inaptitude qui n’a pas d’origine professionnelle, le Code du travail indique que :
- Le préavis n’est pas exécuté ;
- Le contrat de travail est donc rompu à la notification du licenciement ;
- Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité ;
- Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est versée.