Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 13 octobre 2003 par une association, en qualité d'animateur socio-éducatif à la permanence d'accueil d'urgence humanitaire sur le site d’un aéroport.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupe un poste de médiateur interprète
Il saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes se rapportant à l'exécution de son contrat de travail, il demande notamment le paiement d’heures supplémentaires.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 24 juin 2015, déboute le salarié de sa demande.
Selon la cour, le salarié exerçait son activité dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sous la forme de « cycle », et que ne pouvaient être considérées comme supplémentaires les heures excédant la durée légale annuelle du temps de travail, soit 1 607 heures, ou de la limite annuelle inférieure fixée par voie conventionnelle.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt retient que, dès lors que le temps de travail est aménagé en continu sur la base d'un cycle de dix jours prévu conventionnellement, cycle qui excède par hypothèse la semaine, la demande ne peut concerner que les heures supplémentaires effectuées au-delà de 1607 heures annuelles ou de la limite annuelle inférieure fixée par voie conventionnelle dans les conditions rappelées à l'article L.3122-4 du code du travail ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du tout du même avis.
Elle rappelle qu’il résulte « des dispositions de la convention collective, que le cycle se compose d'une pluralité de semaines en sorte qu'il ne pouvait être considéré que l'organisation du travail sur des périodes de dix jours se répétant à l'identique pouvait constituer un aménagement du temps de travail par cycle ».
L’arrêt de la cour d’appel et donc cassé et annulé, les deux parties renvoyées vers la Cour d’appel de Paris, autrement composée.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions de la convention collective, que le cycle se compose d'une pluralité de semaines en sorte qu'il ne pouvait être considéré que l'organisation du travail sur des périodes de dix jours se répétant à l'identique pouvait constituer un aménagement du temps de travail par cycle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes au titre d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour recours au travail de nuit, d'une indemnité au titre du repos compensateur pour travail de nuit, de demandes de sommes pour dépassement de la durée maximale quotidienne du travail en régime de nuit, dépassement des durées maximales hebdomadaire et conventionnelle de travail, l'arrêt rendu le 24 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire traite d’une organisation du temps de travail, faussement assimilée à une organisation par cycle.
A cette occasion, nous vous proposons quelques informations de base concernant ce mode d’aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine.
Notions fondamentales concernant l’organisation du temps de travail par cycles
Ce sont les articles L 3122-2 à L 3122-5 qui sont à prendre en référence.
Rubriques | Explications |
Principe général | Ce mode d’organisation a pour objectif de faire réaliser une durée du travail à hauteur de la durée légale. |
Répartition | Cette durée est possible sous réserve que sa répartition à l'intérieur d'un cycle se répète à l'identique d'un cycle à l'autre. |
Mise en place | Cette organisation peut être mise en place : 1° Dans les entreprises qui fonctionnent en continu ; 2° Lorsque cette possibilité est autorisée par décret ou prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui fixe alors la durée maximale du cycle. |
Rémunération | Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés des entreprises organisant des cycles est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par la convention ou l'accord. Toutefois, lorsque les heures supplémentaires sont accomplies au-delà des limites prévues par la convention ou l'accord, les rémunérations correspondant à ces heures sont payées avec le salaire du mois considéré. |
Seuil de déclenchement des heures supplémentaires | Heures qui dépassent la durée moyenne de 35h calculées sur la durée du cycle de travail. |
Présentation des articles du code du travail concernés
Vous sont proposés les articles du code du travail dans la version en vigueur jusqu’au 21 août 2008 (soit avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail publiée au JO du 21 août 2008).
Article L3122-2
La durée du travail de l'entreprise ou de l'établissement peut être organisée sous forme de cycles de travail dès lors que sa répartition à l'intérieur d'un cycle se répète à l'identique d'un cycle à l'autre.
NOTA :
Ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007 art. 14 : Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur en même temps que la partie réglementaire du code du travail et au plus tard le 1er mars 2008.
La loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 dans son article 2 X a fixé la date d'entrée en vigueur de la partie législative du code du travail au 1er mai 2008.
Article L3122-3
Les cycles de travail, dont la durée est fixée à quelques semaines, peuvent être mis en place :
1º Dans les entreprises qui fonctionnent en continu ;
2º Lorsque cette possibilité est autorisée par décret ou prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui fixe alors la durée maximale du cycle.
Article L3122-4
Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés des entreprises organisant des cycles est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par la convention ou l'accord.
Toutefois, lorsque les heures supplémentaires sont accomplies au-delà des limites prévues par la convention ou l'accord, les rémunérations correspondant à ces heures sont payées avec le salaire du mois considéré.
Article L3122-5
Lorsque sont organisés des cycles de travail, seules sont considérées comme heures supplémentaires pour l'application des dispositions relatives au décompte et au paiement des heures supplémentaires, au décompte des heures entrant dans le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires et au repos compensateur obligatoire, celles qui dépassent la durée moyenne de trente-cinq heures calculée sur la durée du cycle de travail.