Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 7 février 2007.
Le 20 septembre 2013, il saisit la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.
Déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 22 octobre 2014, il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 novembre 2014.
Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant que son employeur n’avait respecté l’obligation légale de reclassement.
Dans son arrêt du 16 juin 2016, la Cour d'appel de Paris donne partiellement raison au salarié.
Tout en indiquant que le licenciement devait être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation légale de reclassement, elle précise que le salarié n’ouvre pas droit à ce titre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'après avoir décidé que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, l'arrêt, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, énonce qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1226-4 alinéa 3 du code du travail qu'en cas de licenciement et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1234-5 du même code, l'indemnité de préavis n'est pas due ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis (confirmant au passage une jurisprudence constante).
Elle confirme ainsi qu’en cas de manquement à l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude :
- Le licenciement est considéré sans cause réelle et sérieuse ;
- Et le salarié ouvre droit au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis (ainsi qu’aux congés payés dus en conséquence).
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité de préavis est due au salarié déclaré inapte à son poste dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité compensatrice de préavis et condamne la société (…) à payer à M. X... la somme de 2 046, 96 euros avec congés payés afférents à titre de rappel de salaire, l'arrêt rendu le 16 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions essentielles concernant le préavis en cas d’inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement.
Inaptitude résultant d’une maladie professionnelle ou consécutive à un accident du travail
Dans ce cas précis, le salarié ne doit pas effectuer de préavis.
Il doit percevoir néanmoins :
- Une indemnité d’un montant égal à l’indemnité légale de préavis (article L 1226-14) ;
- Cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis (Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328) ;
- De ce fait, le salarié n’est pas en droit de demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis prévue par la Convention collective ;
- L’indemnité versée n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis légale (même si la valeur est identique), la date de rupture du contrat de travail n’est pas repoussée ;
- L’indemnité de licenciement sera donc calculée sur l’ancienneté acquise à la notification ;
- L’indemnité d’une valeur égale à l’indemnité compensatrice de préavis sera calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire (article L 1226-16 du Code du travail) ;
- Le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Les seuls cas pour lesquels le salarié pourrait bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis (et pas d’une indemnité dont le montant est égal au montant de l’indemnité légale de préavis) sont :
- L’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement ;
- L’employeur n’a pas repris le paiement du salaire alors que le délai d’un mois est écoulé.
Inaptitude après une maladie ou un accident non professionnel
Ainsi, lorsqu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour une inaptitude qui n’a pas d’origine professionnelle, le Code du travail indique que :
- Le préavis n’est pas exécuté ;
- Le contrat de travail est donc rompu à la notification du licenciement ;
- Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité ;
- Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est versée.
Article L1226-4
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47
Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.
Les seuls cas pour lesquels le salarié pourrait bénéficier d’une indemnité compensatrice de préavis (et pas d’une indemnité dont le montant est égal au montant de l’indemnité légale de préavis) sont :
- L’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement (comme cela est le cas dans l’affaire présente) ;
- L’employeur n’a pas repris le paiement du salaire alors que le délai d’un mois est écoulé.