A l’employeur de prouver que le paiement du salaire a bien été effectué

Jurisprudence
Paie Rémunération

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de gardienne d'immeuble le 25 juin 2007.

Elle est déclarée inapte à son poste de travail, à l'issue de 2 examens médicaux, les 16 novembre et 3 décembre 2012, puis finalement licenciée le 28 janvier 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La salariée saisit la juridiction prud'homale, réclamant notamment le paiement du salaire du mois de décembre 2010. 

La Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 18 novembre 2015. 

Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, et casse et annule cet arrêt. 

En effet, la cour d’appel considérait que la salariée n’apportait pas la preuve de l’absence de paiement de son salaire, ce faisant, elle inversait la charge de la preuve du paiement qui incombe à l’employeur qui se prétend libéré.

Les deux parties sont renvoyées vers la Cour d'appel de Versailles, autrement composée. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande tendant au paiement du salaire de décembre 2010, l'arrêt énonce qu'elle n'établit pas ne pas avoir été rémunérée à hauteur de la somme qui figure sur le bulletin de paie de décembre 2010, la mention manuscrite rajoutée en dessous au crayon, n'étant étayée par aucun autre élément, et n'ayant pas une valeur probante suffisante ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la charge de la preuve du paiement du salaire et de ses accessoires incombe à l'employeur qui se prétend libéré, la cour d'appel, en inversant la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en paiement de la somme de 627,70 euros à titre de rappel de salaire net du mois de décembre 2010, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 18 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-23570

Commentaire de LégiSocial

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se prononce sur cette situation, confirmant ici une jurisprudence constante…

Arrêt du 11 janvier 2006

Dans cette affaire, la Cour de cassation considérait que, nonobstant la production du bulletin de paie, il appartenait à l’employeur de prouver qu’il avait bien effectué le paiement du salaire.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que, nonobstant la délivrance de fiches de paie, il incombait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire conformément au droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 janvier 2006 
N° de pourvoi: 04-41231 Publié au bulletin  

Arrêt du 7 mai 2008

Dans cette affaire, il était question du paiement des heures supplémentaires.

La Cour de cassation indiquait que, nonobstant le fait d’indiquer ces heures sur la fiche de paie, il incombait bien à l’employeur de prouver qu’elles avaient bien fait l’objet d’un paiement, et non au salarié. 

Extrait de l’arrêt : 

Mais attendu que la mention, sur les bulletins de paie, des droits à repos nés de la bonification bénéficiant au salarié au titre des heures de travail effectuées entre la 36e et la 39e heure, n'a qu'une valeur informative, la charge de la preuve de leur octroi effectif incombant, en cas de contestation, à l'employeur ;
Et attendu qu'ayant relevé que ce dernier n'établissait pas que les droits à repos que le salarié était fondé à réclamer, lui avaient effectivement été octroyés, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a, par ce seul motif, justifié sa décision ; 
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;  

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 7 mai 2008 
N° de pourvoi: 06-43058 Publié au bulletin

Arrêt du 10 avril 2013

Terminons par un arrêt « assez remarquable » confirmant que le salarié n’a pas à démontrer de son côté qu’il n’a pas reçu paiement des salaires, et qu’il ne pouvait pas conséquent pas lui être demandé de produire ses relevés de comptes personnels pour cela… 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour rejeter la demande en paiement des salaires d'octobre et de novembre 2005, l'arrêt retient qu'il ne peut être déduit de l'avis d'imposition de 2005 de la salariée produit à la demande de la cour d'appel que l'intéressée a perçu uniquement en 2005 la somme déclarée de 424 euros de salaire ; qu'il ressort des bulletins de paye d'octobre et de novembre 2005 que les salaires ont été versés par la société (…)  ; que ce paiement est confirmé par l'examen des comptes de La Poste (CCP et Livret jeune) de la salariée produits à la demande de la cour d'appel, les sommes perçues par l'intéressée s'établissant à un total de 5117,04 euros entre le 18 octobre et le 13 décembre 2005 ; 
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'examen des comptes personnels de la salariée et de la remise des bulletins de paie, alors qu'il appartenait à l'employeur de démontrer le paiement des salaires, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ; 
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement déboutant Mme X... de sa demande en paiement des salaires d'octobre et de novembre 2005, l'arrêt rendu le 13 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;  

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 10 avril 2013 
N° de pourvoi: 12-15259 Non publié au bulletin