Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'approvisionneur/acheteur, niveau V, échelon 2, coefficient 335, catégorie agent de maîtrise, selon un contrat du 3 juillet 2013 prévoyant une période d'essai de 3 mois renouvelable une fois d'un commun accord.
La période d’essai fait l’objet d’un renouvellement par avenant du 3 octobre 2013 pour une durée de 3 mois.
Finalement, l’employeur met fin le 29 novembre 2013 à la période d'essai.
Le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale, soutenant à cette occasion que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la convention collective dont dépendait l’entreprise ne prévoyant pas le renouvellement de la période d’essai.
La Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 31 mars 2016, déboute le salarié de sa demande, estimant que la rupture prononçait par l’employeur devait bien être considérée comme celle d’une période d’essai.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en une rupture de la période d'essai et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que le contrat de travail visant la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne prévoit expressément la possibilité de renouveler la période d'essai, conformément aux dispositions de l'article L. 1221-23 du code du travail , que la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée ne prévoit pas de renouvellement de la période d'essai pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise occupant un emploi classé au niveau V, la possibilité de renouveler la période d'essai n'existant que pour les salariés occupant un emploi classé au niveau I, que s'agissant d'une période d'essai conventionnelle plus courte que les nouvelles durées légales fixées par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 et contenues dans l'article L. 1221-21 du code du travail, cette durée ne continuait de s'appliquer que jusqu'au 30 juin 2009, période laissée aux partenaires sociaux pour négocier un nouvel accord ; que depuis le 1er juillet 2009, les dispositions de l'accord de branche prévoyant des durées de périodes d'essai plus courtes que la loi ne peuvent plus s'appliquer, à la différence des périodes d'essai conventionnelles ayant des durées plus longues que les durées légales qui peuvent, quant à elles, continuer à s'appliquer, qu'en ce qui concerne la convention collective régionale du 16 juillet 1954 modifiée, en l'absence de l'intervention d'un nouvel accord conclu après la date de la publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, les durées légales s'imposent et se substituent aux durées conventionnelles, qu'il en résulte que les dispositions de la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne, prévoyant des périodes d'essai conventionnelles plus courtes et conclues antérieurement à la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, ne sont pas applicables, que la rupture du contrat est intervenue le 29 novembre 2013, soit moins de cinq mois (renouvellement compris) après sa conclusion de telle sorte que la rupture est intervenue dans le délai impératif de six mois prévu par la loi, étant précisé que l'avenant à la convention collective nationale de la métallurgie du 21 juin 2010, en son article 2, prévoit une durée maximum totale de période d'essai, renouvellement compris, de cinq mois pour les salariés classés au niveau V, coefficients 305 à 365 (cas de M. (…)X...), ainsi respectée par l'employeur ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis.
Elle indique en effet que :
- D’une part, l'accord national du 10 juillet 1970 dispose en son article 4 qu'il ne s'applique qu'à défaut d'une convention collective ou d'un avenant applicable aux Etam ou ouvriers d'un établissement parce que celui-ci ne se trouve pas dans le champ d'application territorial d'une convention collective territoriale ;
- D'autre part, que la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, applicable au contrat de travail, dont les dispositions ne prévoyant pas de renouvellement de la période d'essai devaient primer sur celles, moins favorables, du contrat de travail.
En conséquence, la clause contractuelle prévoyant le renouvellement de la période d'essai devait être considérée comme… nulle.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi alors d'une part, que l'accord national du 10 juillet 1970 dispose en son article 4 qu'il ne s'applique qu'à défaut d'une convention collective ou d'un avenant applicable aux Etam ou ouvriers d'un établissement parce que celui-ci ne se trouve pas dans le champ d'application territorial d'une convention collective territoriale, d'autre part, que la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, applicable au contrat de travail, dont les dispositions ne prévoyant pas de renouvellement de la période d'essai devaient primer sur celles, moins favorables, du contrat de travail, ce dont il résultait que la clause contractuelle prévoyant le renouvellement de la période d'essai était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt nous permet de rappeler quelques notions importantes concernant le renouvellement de la période d’essai.
Renouvellement de la période d’essai
Tout comme la période d’essai, le renouvellement de cette dernière ne se présume pas.
L’employeur qui souhaite renouveler une période d’essai doit avoir indiqué cette possibilité sur le contrat de travail.
La période d’essai peut être renouvelée une fois et pourra alors atteindre les valeurs maximales suivantes :
Catégories personnel | Durée initiale maximum | Durée maximum avec 1 renouvellement |
Ouvrier et employé | 2 mois | 4 mois |
TAM | 3 mois | 6 mois |
Cadres | 4 mois | 8 mois |
Article L1221-21
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)
La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° Huit mois pour les cadres.
Article L1221-23
Créé par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 2 (V)
La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
Sous réserve d’un accord et d’une mention sur le contrat de travail
Nota :
Le renouvellement de la période d’essai n’est possible que dans le cas :
- Où un accord de branche étendu le prévoit;
- Et que le renouvellement soit expressément stipulé dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Dans le cas inverse...
Situation | Conclusion |
L’accord de branche n’autorise pas le renouvellement d’une période d’essai | Le renouvellement est impossible, la LMMT soumet cette possibilité à l’existence d’un accord collectif de branche étendu. |
La convention collective ne prévoit pas le renouvellement
De la même façon, si une convention collective ne prévoit pas le renouvellement de la période d’essai (cas abordé dans la présente affaire), la clause du contrat de travail prévoyant son renouvellement est alors nulle.
Cour de cassation 25/02/2009 pourvoi 70-40.155
Renouvellement de la période d’essai aussi par mail
En réponse à une question posée par un parlementaire, le Ministre du travail donne l’indication suivante :
"Un message électronique est donc recevable au même titre qu'un courrier, dès lors que l'accord y est exprimé dans des termes clairs et non équivoques".
Toutefois, le ministre du Travail prévient que cette disposition n’est pas applicable dans le cas particulier où la convention collective prévoirait des modalités spécifiques en matière de renouvellement de la période d’essai.
Réponse publiée au JO de l'Assemblée nationale du 1er mars 2011
Obtenir un accord exprès du salarié
La circulaire de la DGT du 17 mars 2009, précise qu’outre la condition de couverture d’un accord de branche étendu, le renouvellement nécessite l’accord des 2 parties.
Extrait circulaire DGT 2009-5 du 17/03/2009
La période d’essai initiale peut être renouvelée une fois à la condition qu’un accord de branche étendu le prévoit expressément (article L. 1221-21) et avec l’accord des deux parties.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 25 novembre 2009, indique que cet accord doit :
- Etre exprès ;
- Résulter d’une volonté claire et non équivoque ;
- Intervenir au cours de période initiale.
Elle considère à cette occasion que le seul « contreseing » du salarié apposé sur la lettre adressée par son employeur restait équivoque et ne manifestait pas clairement son acceptation du renouvellement ou de la prolongation de la période d'essai que la société entendait provoquer.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que le renouvellement ou la prolongation de la période d'essai doit résulter d'un accord exprès des parties et exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié ne pouvant être déduite de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l'employeur ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le seul contreseing du salarié apposé sur la lettre du 16 mai 2003 que lui a adressée l'employeur restait équivoque et ne manifestait pas clairement son acceptation du renouvellement ou de la prolongation de la période d'essai que la société (…) entendait provoquer, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 25 novembre 2009 N° de pourvoi: 08-43008