Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée, le 1er avril 2008, en qualité d'assistante juridique.
Le 7 janvier 2011, un protocole de rupture conventionnelle est signé entre les parties et le contrat de travail prend fin le 22 février 2011.
Mais la salariée saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment sur le paiement de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence.
Dans son arrêt du 19 juin 2015, la Cour d'appel de Rennes considérant que la clause « de respect de la clientèle » présente dans le contrat de travail s’assimilait à une clause de non-concurrence illicite condamne l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice subi.
En effet, en application de l’article 8-5-1 de la convention collective des experts-comptables qui s'applique aux parties, s'il prévoit des modalités relativement à la contrepartie financière des clauses de non-concurrence, n'envisage que les hypothèses de licenciement et de la démission et non de rupture conventionnelle en sorte que la salariée ne peut se prévaloir de ses dispositions.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire que la clause de respect de la clientèle s'assimile à une clause de non-concurrence illicite et condamner l'employeur à payer à la salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, l'arrêt retient que l'article 8-5-1 de la convention collective des experts-comptables qui s'applique aux parties, s'il prévoit des modalités relativement à la contrepartie financière des clauses de non-concurrence, n'envisage que les hypothèses de licenciement et de la démission et non de rupture conventionnelle en sorte que la salariée ne peut se prévaloir de ses dispositions ;
La Cour de cassation ne suit pas le même raisonnement, rappelant à cette occasion que la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ne pouvant être minoré en fonction des circonstances de la rupture, de sorte qu’il en résultait que la contrepartie prévue par la convention collective en cas de licenciement était applicable en l'espèce, rendant par voie de conséquence la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail… licite !
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ne pouvant être minoré en fonction des circonstances de la rupture, il en résulte que la contrepartie prévue par la convention collective en cas de licenciement était applicable en l'espèce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit la clause de non-concurrence illicite et condamne la société (…) à payer à Mme Y... la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi à ce titre, l'arrêt rendu le 19 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Commentaire de LégiSocial
Nombreux sont les contentieux concernant la clause de non-concurrence, l’occasion pour nous de rappeler quelques notions importantes à ce sujet.
Principe et objectif
La clause de non-concurrence a pour but d'interdire au salarié, après la rupture de son contrat, l'exercice d'une activité qui porterait préjudice à son ancien employeur.
5 Conditions de validité
1/ au sein du contrat de travail
Cette clause doit être insérée clairement dans le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
2/ Elle doit respecter les dispositions conventionnelles si celles-ci sont plus favorables.
La clause de non-concurrence doit respecter très exactement les conditions de fond et de forme éventuellement prévues par la convention collective. Une clause de non-concurrence non conforme aux dispositions de la convention collective n'est pas nulle pour autant : elle doit être rapportée aux conditions conventionnelles prévues.
Cour de cassation du 2/12/1998.
Lorsqu'une convention collective stipule que l'employeur à la possibilité de convenir d'une clause de non-concurrence avec certains salariés, il lui est alors impossible de conclure une telle clause avec d'autres salariés que ceux visés par la convention collective.
Cour de cassation du 12/11/1997.
3/ Elle doit nécessairement être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi
Cour de cassation du 2/12/1997
4/ La clause de non-concurrence doit être limitée :
- Dans le temps
Une clause comportant une durée illimitée n’est pas valable.
Les conventions collectives peuvent parfois encadrer la durée pendant laquelle peut s’exercer la clause.
Si ce n’est pas le cas, les juges apprécieront la durée insérée avec les intérêts de l’entreprise.
- Dans l'espace
La limitation de la zone de non-concurrence varie selon que la clientèle est « locale » ou « mondialisée ».
Dans tous les cas de figure, cette délimitation géographique doit être précise et ne pas empêcher encore une fois le salarié de retrouver un emploi.
- Dans l'objet (nature des activités interdites)
La clause doit préciser la nature des activités concernées
Signalons que la jurisprudence n'exige pas que la clause obéisse cumulativement à ces trois conditions (temps, espace et objet), l'une ou l'autre de ces limitations, temps ou espace, peut suffire si le salarié conserve la possibilité de poursuivre " son " activité professionnelle.
5/ La clause de non-concurrence doit comporter une contrepartie financière
Si la clause ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, elle est considérée comme nulle.
Petite particularité, une clause ne prévoyant aucune contrepartie financière MAIS renvoyant vers la contrepartie financière prévue par la convention collective est acceptable, le renvoi vers l’article de la convention collective est alors nécessaire.
Une contrepartie financière jugée « dérisoire » par les juges peut aboutir au même résultat.
Cour de cassation du 15/11/2006 n° 04-46721
Une contrepartie financière versée en cours de contrat rend la clause totalement nulle et sans effet.
Cour de cassation du 17/11/2010 pourvoi M 09-42.389
La clause prévoyant que la contrepartie financière ne serait pas payée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde est nulle
Cour de cassation du 28/06/2006 pourvoi 05-40990
Une récente affaire concernant un salarié qui percevait une compensation financière pendant le contrat et aussi après la rupture du contrat permet de préciser que la valeur éventuellement dérisoire s’évalue uniquement sur la partie versée après la rupture du contrat.
Cour de cassation du 22/06/2011 pourvoi 09-71567 FSPB