Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée à compter du 3 avril 2010 en qualité de serveuse.
Elle prend acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 20 juin 2012 et saisit la juridiction prud'homale notamment d'une demande de requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de demandes en paiement de diverses sommes, dont celles relatives aux heures supplémentaires non rémunérées, au travail dissimulé et à des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Dans son arrêt du 15 janvier 2016, la Cour d'appel de Caen donne raison à la salariée, condamnant à cette occasion l’employeur au versement d'une somme à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
La cour d’appel retient :
- Que la salariée étaye sa demande en paiement d'heures supplémentaires à hauteur de 3.318,93 € ;
- Et l'absence de production par l'employeur d'éléments de nature à faire la preuve des horaires effectués ;
- Et qu'il en résulte une nécessaire dissimulation intentionnelle ouvrant droit au paiement de l'indemnité de travail dissimulé.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour condamner la société au paiement à la salariée d'une somme à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt retient que la salariée étaye sa demande en paiement d'heures supplémentaires à hauteur de 3 318,93 euros et l'absence de production par l'employeur d'éléments de nature à faire la preuve des horaires effectués, qu'il en résulte une nécessaire dissimulation intentionnelle ouvrant droit au paiement de l'indemnité de travail dissimulé ;
Mais la Cour de cassation est en désaccord avec la cour d’appel sur la notion de « dissimulation d’emploi ».
Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, indiquant à cette occasion que :
La mention sur un bulletin de paie d’un nombre d’heures inférieur à la réalité ne saurait caractériser une dissimulation d’emploi que si elle est intentionnelle, ce qui n’est présentement pas prouvé dans cette affaire.
Extrait de l’arrêt :
Attendu cependant, que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme Y... la somme de 11 242,18 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 15 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Commentaire de LégiSocial
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation « se penche » sur la mention d’un nombre d’heures travaillées inférieur à la réalité, rappelons quelques notions importantes à ce sujet…
Travail dissimulé sauf application convention ou accord collectif
Le fait d’indiquer, de façon intentionnelle, sur un bulletin de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli caractérise le délit de « travail dissimulé », sauf si cela est la simple conséquence de l’application d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.
Article L8221-5
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 105
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Absence de la mention des heures sur le bulletin de paie= travail dissimulé !
Dans son arrêt du 16 février 2012, la Cour de cassation a considéré que l’absence de mention des heures accomplies, de façon volontaire doit être considérée comme un véritable travail dissimulé.
Cour de cassation du 16/02/2012, pourvoi n° 10-27839
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Un salarié est engagé le 4/12/2000 en qualité de cadre responsable de production à temps partiel puis après seize mois, à temps complet. Il est licencié pour insuffisance professionnelle par ...
Imposer au salarié de dépasser la convention de forfait jours sans mention sur bulletin de paie= travail dissimulé
Dans cet autre arrêt du 1er décembre 2016, la Cour de cassation indiquait que :
- L’employeur ayant imposé au salarié de travailler au-delà des jours prévus dans la convention de forfait en jours sans mentionner les jours de travail sur les bulletins de paie ;
- Ces faits caractérisaient l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié.
Cour de cassation du 1/12/2016, pourvoi n° 15-15805
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L’affaire présente concerne un salarié, engagé le 1er décembre 1986. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupe le poste de directeur des « ventes particuliers » en étant soumis à ...