Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée à compter du 3 mai 2010 en qualité d'agent des services de sécurité incendie avant d'être promue formatrice.
Placée en arrêt de travail le 9 janvier 2012 puis déclarée inapte le 3 mai 2012, en une seule visite, elle est licenciée le 15 mai 2012 pour inaptitude médicale.
La salariée saisit la juridiction prud’homale, estimant que son licenciement doit être considéré sans cause réelle et sérieuse.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Toulouse déboute la salariée de sa demande, dans son arrêt du 18 novembre 2016.
Elle considère en effet que la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement ayant été notifié pour « inaptitude médicale », mais la lettre de licenciement est bien relative à un licenciement pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement dans l'entreprise et que la société a tout mis en œuvre pour tenter d'aboutir au reclassement de la salariée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt qui constate que le licenciement a été notifié pour « inaptitude médicale », retient que la lettre de licenciement est bien relative à un licenciement pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement dans l'entreprise et que la société a tout mis en oeuvre pour tenter d'aboutir au reclassement de la salariée ;
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.
Selon elle, ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; (…)
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes de 67 200 euros sur le fondement des articles L. 1226-15 et L. 1235-3 du code du travail, de 2 800 euros sur le fondement des articles L. 1226-15 et L. 1235-2 du code du travail et de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt rendu le 18 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Commentaire de LégiSocial
Une fois encore, la Cour de cassation rappelle aux employeurs et services RH qu’il convient d’apporter un soin particulier à la rédaction de la lettre de licenciement, au risque que cette rupture soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences financières qui en découlent…
Rappelons à l’occasion de l’affaire que nous commentons aujourd’hui, les cas pouvant conduire à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse :
- Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
- Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
- Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
- L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.
Les raisons d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : cas particuliers
Selon la Cour de cassation, certaines règles de procédure s’apparentent à des « règles de fond ».
C’est ainsi que des licenciements qui semblent être « irréguliers », et pour lesquels les règles de procédure non respectées sont de très grande importance, deviennent réellement des licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples qui peuvent être proposés sont les suivants :
Le licenciement pour motif disciplinaire est prononcé plus d’un mois après l’entretien préalable
Dans ce cas, c’est l’article L 1332-2 du code du travail qui n’est pas respecté.
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
La Cour de cassation s’est également prononcée sur cette situation particulière.
Cour de cassation du 16/03/1995, pourvoi 90-41213
Cour de cassation du 21/03/2000 pourvoi 98-40345
Notification imprécise du licenciement
Cour de cassation du 29/11/1990 pourvoi 88-44308
Cour de cassation du 17/01/2001, pourvoi 98-46447
Un licenciement « verbal »
Cour de cassation du 30/09/1992 pourvoi 88-44080
Licenciement notifié à la mauvaise adresse
Précisons dans ce cas, que l’erreur commise est du fait de l’employeur.
Cour de cassation du 7/07/2004 pourvoi 02-43100
Le non-respect de certaines procédures conventionnelles
Concrètement, sont visées certaines procédures prévues par la convention collective applicable dans l’entreprise.
La Cour de cassation considère alors qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure (dans ce cas, le licenciement serait considéré comme irrégulier) mais bel et bien d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
- Les exemples sont nombreux, nous vous proposons les références suivantes :
Cour de cassation du 5/03/2010, pourvoi 08-42844 ;
Cour de cassation du 21/10/2008, pourvoi 07-42170 ;
Cour de cassation du 18/05/2011, pourvoi 09-72787 ;
Cour de cassation du 27/03/2013, pourvoi 11-20737.
Lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise
Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, celui pour lequel la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise.
Cour de cassation du 26/04/2006, pourvoi 04-42860