Contexte de l'affaire
L’affaire que nous abordons aujourd’hui, concerne une salariée engagée le 2 mai 2006 en qualité d'attaché commercial.
La salariée est par la suite promue au poste de coordinatrice direction commerciale par avenant du 26 décembre 2011 contenant une clause de mobilité.
A compter de 2012, le service commercial France a été implanté à Troyes, à l'exception de la salariée.
Le 22 janvier 2014, l'employeur informe cette dernière, à son retour de congé maternité, de sa décision de transférer son poste du site de Saint-Chamond vers celui de Troyes à compter du 5 mai 2014.
Ayant été licenciée pour avoir refusé cette mutation, la salariée saisit la juridiction prud'homale estimant sa clause de mobilité non licite.
Dans son arrêt du 2 septembre 2016, la Cour d'appel de Lyon donne raison à la salariée, estimant que la clause de mobilité doit être considérée comme nulle, au motif « qu'une clause de mobilité sur l'ensemble du territoire national, sans indication des lieux d'implantation des sites potentiels de travail de la salariée, ne pouvait lui permettre de déterminer les limites précises de sa zone géographique d'application ce qui l'empêchait d'avoir connaissance de l'étendue de son obligation contractuelle à cet égard ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire nulle la clause de mobilité insérée dans l'avenant au contrat de travail de la salariée, ainsi rédigée "compte tenu de la nature de ses fonctions, Mme Y... X... prend l'engagement d'accepter tout changement de lieu de travail nécessité par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise et ce, sur l'ensemble du territoire français", l'arrêt retient que, même si la salariée avait une fonction de coordinatrice sur l'ensemble du territoire français, il n'en demeure pas moins qu'une clause de mobilité sur l'ensemble du territoire national, sans indication des lieux d'implantation des sites potentiels de travail de la salariée, ne pouvait lui permettre de déterminer les limites précises de sa zone géographique d'application ce qui l'empêchait d'avoir connaissance de l'étendue de son obligation contractuelle à cet égard ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, indiquant que la cour d’appel ne pouvait prononcer la nullité d’une clause de mobilité qui « définissait de façon précise sa zone géographique d'application et ne conférait pas à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée ».
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause de mobilité définissait de façon précise sa zone géographique d'application et ne conférait pas à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation du chef de dispositif visé par le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur entraîne, par un lien de dépendance nécessaire, celle du chef de dispositif visé par le second moyen ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Objet du présent arrêt de la Cour de cassation, nous abordons aujourd’hui la « clause de mobilité » dans la partie « commentaires » de notre publication.
Principe et objectif
Cette clause permet à l’employeur de se réserver la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié et cela sans son accord.
- La mutation du salarié = modification des modalités d’exécution du contrat de travail ;
- Le refus du salarié= sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave.
Conditions de validité ?
On peut dénombrer 7 conditions de validité à respecter :
- Sur le contrat de travail: la clause doit être expressément indiquée sur le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
- La zone géographique précise: la clause doit préciser la zone géographique de mobilité en sachant qu’aucune disposition légale ne limite la distance ou l’éloignement qui peut être imposé au salarié. Le salarié peut donc voir sa clause de mobilité porter sur un département, une région, toute la France, et pourquoi pas sur plusieurs pays.
- Le respect de la convention collective: avant d’insérer une telle clause dans un contrat de travail, l’employeur doit veiller au respect des procédures prévues par la convention collective dont il dépend.
- Un changement unilatéral impossible: l’employeur ne peut sans l’accord du salarié modifier la zone géographique concernée par la clause. Cette modification unilatérale serait alors interprétée comme la modification du contrat de travail sans l’accord du salarié, qui pourrait conduire par exemple à une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié.
- Rupture automatique du contrat : l’employeur ne peut en aucun cas prévoir la rupture automatique du contrat en cas de refus du salarié de se soumettre à cette clause de son contrat de travail (Cour de cassation 19/05/2004 n° 02-43252 D)
- Clause conforme aux intérêts légitimes de l’entreprise: elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et être proportionnée au but recherché et aux activités du salarié. Dans le cas contraire, le salarié serait en droit de refuser la mutation.
- Un délai de prévenance doit être respecté: si la convention collective en prévoit un bien entendu, sachant qu’il n’existe pas de délai minimum légal.