Repos compensateurs de remplacement attribués par erreur : l’employeur est en droit de récupérer les sommes versées

Jurisprudence
Paie Temps de repos

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Contexte de l'affaire

L’affaire présente concerne un employeur ayant procédé à des retenues sur le salaire d’un salarié, afin d'obtenir la restitution de sommes indûment payées, notamment au titre du maintien du salaire pendant des repos compensateurs de remplacement accordés par erreur.

Le salarié décide de saisir la formation des référés de la juridiction prud'homale pour obtenir la suspension des retenues et le remboursement des sommes retenues depuis le 1er janvier 2016. 

La Cour d'appel de Toulouse, dans son arrêt du 29 septembre 2016, déboute le salarié de sa demande.

Mais ce dernier insiste et décide de se pourvoir en cassation.

Il estime en effet que les repos compensateurs n’avaient pas pour objet une somme d’argent, ni une chose « fongible » de la même espèce, également liquide et exigible. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la suspension des retenues et au remboursement des sommes retenues depuis le 1er janvier 2016, alors, selon le moyen, que la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ; qu'en estimant que le trop perçu litigieux qui provenait de décomptes du temps de travail erronés a posteriori ayant généré des majorations d'heures supplémentaires et repos compensateurs concernait donc des éléments de rémunération quand les repos compensateurs alloués à l'intéressé en rémunération de ses heures supplémentaires n'avaient pas pour objet une somme d'argent ni une chose fongible de la même espèce, également liquide et exigible, la cour d'appel a violé l'article 1291 du code civil alors applicable ; 

Mais la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant à ce titre le pourvoi formé par le salarié.

Elle confirme que « les sommes payées au titre du maintien de la rémunération pendant la prise de repos compensateurs de remplacement ont la nature de salaire et sont fongibles ».

Ayant constaté que le salarié avait indûment bénéficié du maintien de sa rémunération à l'occasion de la prise de repos compensateurs qui n'étaient pas ouverts, « ces sommes indûment payées pouvaient être compensées avec le salaire, s'agissant d'obligations réciproques de sommes d'argent, qui étaient certaines, liquides et exigibles».

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que les sommes payées au titre du maintien de la rémunération pendant la prise de repos compensateurs de remplacement ont la nature de salaire et sont fongibles ; qu'ayant constaté que le salarié avait indûment bénéficié du maintien de sa rémunération à l'occasion de la prise de repos compensateurs qui n'étaient pas ouverts, la cour d'appel en a exactement déduit que les sommes indûment payées pouvaient être compensées avec le salaire, s'agissant d'obligations réciproques de sommes d'argent, qui étaient certaines, liquides et exigibles ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième branche du moyen annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-26712

Commentaire de LégiSocial

L’affaire que nous commentons aujourd’hui aborde le paiement de « repos compensateur de remplacement ».

Ces temps de repos, dénommés RCR sont devenus depuis la loi de 2008 des RCE « Repos Compensateur Équivalents » dont nous vous rappelons quelques principes généraux comme suit. 

Principe général

L’article L 3121-28 du code du travail, dans sa version modifiée confirme que toute heure accomplie au-delà de la durée légale (ou de la durée considérée comme équivalente) :

  • Est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ;
  • Ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent

Article L3121-28

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

RCE et impact sur le bulletin de paie

L’entreprise applique le « droit commun »

Un salarié rémunéré 10.00 € de l’heure acquiert sur le mois M 16 heures supplémentaires majorées à 25%.

Son bulletin de salaire se présentera de la manière suivante :

Libellés

Nb heures         taux horaire

Valeurs

Salaire de base

151,67 * 10,00 €

1.516,70 €

Heures supplémentaires majorées à 25%

16*12,50 €

200,00 €

Salaire brut

1.746,70 €

 

RCE partiel

Dans ce cas de figure, les heures supplémentaires sont réglées au salarié, sans majoration qui est transformée en repos compensateur équivalent.

Le bulletin de salaire sera alors : 

Libellés

Nb heures         taux horaire

Valeurs

Salaire de base

151,67 * 10,00 €

1.516,70 €

Heures supplémentaires

16*10,00 €

160,00 €

Salaire brut

1.676,70 €

De plus, le salarié acquiert alors 4 heures au titre du RCE

16 heures * 25% = 4 heures

RCE global

Dans ce cas de figure, les heures supplémentaires ne sont pas payées mais intégralement compensées par du repos compensateur équivalent.

Le bulletin de salaire sera alors : 

Libellés

Nb heures         taux horaire

Valeurs

Salaire de base

151,67 * 10,00 €

1.516,70 €

Salaire brut

1.516,70 €

 Au titre du RCE, le salarié acquiert alors :

  • 16 heures au titre des heures supplémentaires non payées

PLUS

  • 4 heures au titre de la majoration due sur les 16 heures supplémentaires (16h*25%)