Contexte de l'affaire
Un salarié, de nationalité française, est engagé en qualité de consultant junior statut cadre.
Son contrat de travail stipule une rémunération variable pouvant atteindre 20 % du salaire fixe annuel si l'ensemble des objectifs fixés unilatéralement par l'employeur étaient atteints.
Son contrat de travail est transféré, le 1er février 2012, à une nouvelle société, aux droits de laquelle vient une autre société filiale d’une société de droit anglais.
Le salarié quitte l'entreprise le 30 avril 2014, et saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Il estime notamment que le document de travail qui lui avait été adressé était rédigé en anglais, alors qu’il fixait les objectifs à atteindre permettant le paiement de la partie variable, conséquente, de sa rémunération.
La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 février 2016, déboute le salarié de sa demande, estimant que la communication de « documents de travail en anglais n'est pas illicite compte tenu du caractère international de l'activité de l'entreprise ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre de la rémunération variable pour l'année 2012, l'arrêt retient que la communication de documents de travail en anglais n'est pas illicite compte tenu du caractère international de l'activité de l'entreprise
Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.
Les juges indiquent à cette occasion que « tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu qu'il résulte de ce texte que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français ; (…)
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le salarié avait eu accès, sous quelque forme que ce soit, à un document rédigé en français fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la sixième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour l'année 2013/2014, l'arrêt rendu le 19 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Contrat de travail en français ou en étranger ?
Lorsqu'il est conclu en France, le contrat doit être rédigé en français. Il peut toutefois comporter des termes étrangers, sans correspondance en français, s'ils sont clairement expliqués.
Le salarié étranger peut demander la traduction de son contrat dans sa langue d'origine
Article L1221-3
Le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français.
Lorsque l'emploi qui fait l'objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail comporte une explication en français du terme étranger.
Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.
L'employeur ne peut se prévaloir à l'encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d'un contrat de travail conclu en méconnaissance du présent article.
Clauses d’objectifs
Selon l’article L 1321-6, tout comme le règlement intérieur doit être rédigé en Français, il en de même pour :
- Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail (comme la clause d’objectifs fixant la rémunération variable dans la présente affaire).
Précision importante, ces dispositions ne sont toutefois pas applicables :
- Aux documents reçus de l'étranger ;
- Aux documents destinés à des étrangers.
Article L1321-6
Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères.
Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l'étranger ou destinés à des étrangers
Arrêt de la Cour de cassation du 21/09/2017
Un récent arrêt de la Cour de cassation traite de cette particularité, il est consultable sur notre site, « Fixation des objectifs en anglais : la Cour de cassation précise » en cliquant ici.
Lire aussi : Fixation des objectifs en anglais : la Cour de cassation précise Jurisprudence
Un salarié français est engagé le 30 août 2010, en qualité d'administrateur de bases de données senior statut cadre. Son contrat de travail stipule une rémunération fixe et une rémunération ...
Dans cette affaire, un salarié français avait reçu des documents rédigés en langue anglaise, se rapportant aux objectifs à atteindre, motivant sa rémunération en conséquence.
Son employeur avait par la suite mis à disposition, sur l’intranet de l’entreprise, la traduction en français.
Le salarié considérait que les objectifs en anglais ne lui étaient pas opposables, nonobstant la rédaction en français sur l’intranet de la société.
La cour de cassation déboute le salarié de sa demande.
Cour de cassation du 21/09/2017, pourvoi n° 16-20426