Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 18 février 2001 en qualité de couvreur.
Il est victime, le 8 avril 2005, d’un accident du travail, au sujet duquel la juridiction de sécurité sociale indique qu’il était dû à la faute inexcusable de l'employeur, fixant par ailleurs les préjudices subis par le salarié.
Licencié le 23 octobre 2013, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le salarié saisit la juridiction prud'homale, réclamant à cette occasion une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d'appel de Caen, dans son arrêt du 30 septembre 2016, déboute le salarié de sa demande.
Elle indique que cette nouvelle demande d’indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, « relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale comme étant une demande de réparation d'un préjudice né de l'accident du travail ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que le salarié demande à la juridiction du travail de dire que son licenciement a pour cause la violation de l'obligation de sécurité de résultat incombant à son employeur et qu'en conséquence, il est sans cause réelle et sérieuse, et, à titre subsidiaire, qu'il a pour cause la faute inexcusable de son employeur, de sorte que cette nouvelle demande relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale comme étant une demande de réparation d'un préjudice né de l'accident du travail, qu'il lui appartient de présenter cette demande devant la juridiction de sécurité sociale seule compétente puisqu'elle constitue une demande d'indemnisation de la perte de son emploi consécutive à l'accident du travail et à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur commise à son égard ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis.
Si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle confirme également qu’un licenciement pour une inaptitude qui résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (…)
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié demandait la réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail et faisait valoir que son licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 30 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler les importantes modifications apportées par la loi travail sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, JO du 9 août 2016
Déclaration inaptitude du salarié : 1 seul examen !
Les nouvelles dispositions indiquent que le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
- S’il a réalisé au moins 1 examen médical de l’intéressé ;
- S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
- S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement ;
- S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.
Éventuellement un second examen
Le médecin du travail peut estimer qu’un 2ème examen est nécessaire, il est alors réalisé dans un délai qui n’excède pas 15 jours après le 1er examen.
La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.
Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (cas de dispense de recherche de reclassement par l’employeur).
Article R4624-42
Modifié par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1
Transféré par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1
Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.
S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Consultation du médecin inspecteur du travail
Avant d’émettre son avis, le médecin du travail peut consulter le médecin inspecteur du travail.
Article R4624-43
Transféré par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1
Modifié par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1
Avant d'émettre son avis, le médecin du travail peut consulter le médecin inspecteur du travail.
Inscription dans le dossier médical
Les motifs de l’avis du médecin du travail sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du travailleur.
Article R4624-44
Modifié par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1
Transféré par Décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 - art. 1
Les motifs de l'avis du médecin du travail sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du travailleur.
Obligation de reclassement
Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :
- Article L 1226-2-1 ;
- Article L 1226-12 ;
- Article L 1226-20 .
Sont ainsi confirmés les points suivants :
- L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
- Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).