Impossible de requalifier une mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire lorsque la faute grave est écartée

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé à compter du 1er août 2010 en qualité d'agent de propreté à temps partiel.

Après avoir été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 19 mai 2011, il est licencié pour faute grave le 3 juin 2011.

Le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale, réclamant notamment le paiement d’un rappel de salaires au titre de sa mise à pied conservatoire, considérant que son licenciement ne peut être prononcé pour faute grave. 

A l’occasion de son arrêt du 25 novembre 2016, la Cour d'appel de Lyon, tout en reconnaissant que les propos tenus par le salarié ne revêtaient pas un caractère grave, déboute le salarié de sa demande en paiement d’un rappel de salaires.

Selon la cour d’appel, « l'attitude du salarié motivait la mise à pied conservatoire et la mesure de licenciement qui apparaît en conséquence avoir été prise pour une cause réelle et sérieuse ». 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, l'arrêt retient que les propos tenus par l'intéressé ne revêtent pas un caractère de gravité telle qu'ils puissent être qualifiés de faute grave, que toutefois, l'attitude du salarié motivait la mise à pied conservatoire et la mesure de licenciement qui apparaît en conséquence avoir été prise pour une cause réelle et sérieuse ;

Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout le même avis.

En effet, la décision de maintenir la privation de salaire, en l’absence de faute grave, définitivement retenue, constitue une sanction disciplinaire épuisant le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

De sorte que le salarié ne pouvait être licencié et sanctionné par une mise à pied pour le même motif !

Extrait de l’arrêt :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse exclusive de faute grave et de le débouter de sa demande en paiement des salaires de la mise à pied conservatoire et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que si la mise à pied avec privation de rémunération peut constituer une mesure conservatoire dans l'attente de la sanction définitive des faits reprochés au salarié, la décision de maintenir cette privation de salaire, en l'absence de faute grave définitivement retenue, constitue une sanction disciplinaire épuisant le pouvoir disciplinaire de l'employeur ; que le juge qui, en l'absence de faute grave, valide une telle mesure en retenant qu'elle constitue la juste sanction du comportement du salarié, ne peut simultanément juger que ces mêmes faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de rappel des salaires de la mise à pied conservatoire et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, nonobstant l'absence de faute grave retenue à son encontre, aux termes de motifs pris de ce que le comportement qui lui était reproché justifiait à la fois la « sanction » de mise à pied conservatoire avec privation de salaires infligée le 19 mai 2011 et le licenciement disciplinaire prononcé le 3 juin suivant, la cour d'appel a violé la règle non bis in idem ;

Cour de cassation du , pourvoi n°17-11202

Commentaire de LégiSocial

Arrêtons-nous un instant sur la mise à pied du salarié, pour rappeler quelques notions importantes à ce sujet…

Les principes généraux

Un salarié peut se voir prononcer 2 sortes de mise à pied.

La mise à pied conservatoire

Elle est prononcée dans l’attente d’une sanction (fréquemment un licenciement pour faute grave ou lourde).

Cette période de suspension du contrat de travail n’est pas rémunérée, sauf bien entendu si aucune sanction n’est prononcée au terme de la mise à pied. 

Il est important d’avoir à l’esprit que la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction disciplinaire. 

Article L1332-3

Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée 

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé

La mise à pied disciplinaire

Il s’agit d’une sanction, ce qui sous entend que l’employeur ne pourra alors prononcer aucune sanction supplémentaire pour le même fait.

En effet, il est de jurisprudence constante de considérer qu’un même fait ne peut être sanctionné 2 fois.

Non bis in idem :

Non bis in idem qui est une locution latine qui signifie « pas deux fois pour la même chose », signifiant en l’espèce qu’une mise à pied disciplinaire ne peut être suivie, pour le même fait, d’une nouvelle sanction comme un licenciement.