Contexte de l'affaire
La présente affaire concerne un salarié, engagé le 24 juillet 1998, en qualité de consultant.
Il est, par la suite, nommé directeur associé le 1er janvier 2006.
Sa rémunération comprend à ce titre, outre un salaire de base, un bonus de performance ainsi qu'une rémunération additionnelle servie en sa qualité de partenaire.
Le 30 octobre 2013, le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de rappel de rémunération.
Il est finalement licencié le 25 novembre 2013.
Mais le salarié saisit la juridiction prud’homale, mettant notamment en avant le fait qu’après avoir bénéficié d’un « bonus performance » de 517.000 € pour les années 2010 à 2012, ce bonus avait été diminué en 2013 pour être fixé à 471.000 €, cela sans que son employeur n’ait justifié d’une dégradation de ses performances.
Extrait de l’arrêt :
Au cours des années 2010, 2011 et 2012, M. (…) s'est vu attribuer un bonus de performance d'un montant identique, (…)
-
(…) fait valoir qu'il a perçu au titre de sa rémunération structurelle réelle pour l'année d'évaluation 2012 (courant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012), la somme de 517 340,52 euros alors que pour l'année d'évaluation 20 13 (courant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013), il n'a perçu que 471 253,61 euros
La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 18 mai 2016, donne raison au salarié condamnant l’employeur au versement de rappels de salaires.
Elle estime en effet que, sans que l’attribution d’un bonus de performance ne puisse permettre de retenir l’existence d’un usage comme le soutenait le salarié, il n’en reste pas moins vrai que l’employeur se devait de justifier la diminution de ce bonus.
Ce qui n’était pas le cas présentement.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour condamner l'employeur au versement de certaines sommes à titre de rappel de salaire au titre de la rémunération structurelle outre congés payés afférents pour les années 2013 et 2014, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et allouer des sommes en conséquence, l'arrêt retient qu'au cours des années 2010, 2011 et 2012, le salarié s'est vu attribuer un bonus de performance d'un montant identique, que si cette constatation ne permet pas de retenir l'existence d'un usage conférant un caractère intangible au montant du bonus de performance comme le soutient le salarié, elle démontre, en revanche, que sur cette période la performance de ce salarié a été constante, que lorsque l'employeur décide de diminuer le montant d'un bonus de performance par rapport à celui attribué au salarié au titre de l'année précédente, il lui appartient de justifier cette mesure au regard de l'évolution négative de la performance du bénéficiaire du bonus, que l'employeur ne faisant pas cette démonstration, il en résulte que le bonus de performance pour 2013 devait être maintenu et qu'il en est de même s'agissant de l'année d'évaluation 2014, l'employeur ne démontrant pas par des éléments objectifs que la performance du salarié se soit dégradée ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, elle casse et annule son arrêt et renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
Elle estime en effet que :
- Le contrat de travail stipulait qu'à la fin de chaque année fiscale, en plus de son salaire de base, le salarié recevrait un bonus en considération de ses performances ;
- Ce dont il résultait que son montant était discrétionnairement fixé chaque année par l'employeur.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le contrat de travail stipulait qu'à la fin de chaque année fiscale, en plus de son salaire de base, le salarié recevrait un bonus en considération de ses performances, ce dont il résultait que son montant était discrétionnairement fixé chaque année par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen, entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le quatrième moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation du contrat de travail, condamne la société (… à verser à M.(…) les sommes de 46 086,91 euros et 92 109,34 euros à titre de rappels de rémunération structurelle pour les années 2013 et 2014 outre congés payés afférents, 500 000 euros au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 156 079,34 euros au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 18 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
L’affaire que nous commentons aujourd’hui est pour nous l’occasion de rappeler quelques notions importantes sur une clause particulière du contrat de travail, qui peut être proposée par les employeurs : la clause d’objectifs.
7 Conditions de validité
Ce sont les différents arrêts de jurisprudence qui ont délimité les conditions de validité de cette clause.
On peut en dénombrer 7.
L’employeur doit respecter les minimas légaux
En aucun cas, l’employeur ne pourra rémunérer son salarié en deçà du SMIC mensuel (si le salarié est à temps plein) ou d’un minimum conventionnel par l’application de cette clause.
Risques
L’employeur ne doit pas faire peser sur le salarié les risques de l’entreprise (par exemple : imputer au salarié les pertes comptables)
Transparence des calculs
L’employeur doit être capable de justifier les différents calculs aboutissant au chiffrage de la prime d’objectif déterminée par la clause.
Pas de calculs basés sur certaines valeurs
Il est interdit de baser les calculs sur :
- Le niveau général des prix ;
- L’indice INSEE ;
- La valeur du SMIC horaire ;
- Un nombre de kilomètres parcourus (afin de ne pas porter atteinte à la santé ou sécurité du salarié).
À consulter, une actualité abordant un arrêt de la Cour de cassation sur l’indexation d’une rémunération sur l’indice INSEE, en cliquant ici.
Lire aussi : Pas de clause d'indexation des rémunérations sur la base de l'indice INSEE Jurisprudence
La présente affaire concerne la clause d’une convention collective, conclue au niveau d’une UES, comportant un mécanisme d'augmentation générale des salaires dépendant à la fois des résultats de l’UES mais ...
Critères d’évaluation indépendants de la volonté de l’employeur
Il n’est pas autorisé de prévoir une modification de façon discrétionnaire des éléments de calculs de la rémunération variable prévue sur le contrat de travail.
Respect de la convention collective
Comme toutes les clauses du contrat de travail, la clause d’objectif doit respecter les dispositions conventionnelles.
Pas de rupture si les objectifs ne sont pas réalisés
L’employeur n’a pas le droit de prévoir une rupture automatique du contrat de travail si les objectifs ne sont pas réalisés.
Cour de cassation du 14/11/2000 n° 98-42371