Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité de femme d'entretien à compter du 1er octobre 2010.
Le contrat de travail est rompu le 17 avril 2012, l'employeur ayant remis à la salariée un certificat de travail le 18 avril 2012 prenant acte de sa démission.
Estimant que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement nul compte tenu de son état de grossesse, la salariée saisit la juridiction prud'homale.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris donne raison à la salariée, dans son arrêt 9 novembre 2016.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul et condamner l'employeur à verser à la salariée diverses sommes, l'arrêt retient que la salariée a été licenciée verbalement le 17 avril 2012 et que l'employeur a eu connaissance de l'état de grossesse de la salariée au plus tard le 18 avril 2012 lors de la remise du certificat de travail à son conjoint ;
Mais la Cour de cassation ne l’entend pas ainsi, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
Elle indique en effet que pour prononcer la nullité du licenciement de la salariée enceinte, la cour d’appel devait tout d’abord vérifier l’envoi d’une « pièce médicale relative à l'état de grossesse allégué par la salariée dans le délai légal », ce qui n’était pas le cas dans l’affaire présente.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'envoi à l'employeur d'une pièce médicale relative à l'état de grossesse allégué par la salariée dans le délai légal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme Z... de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier du droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 9 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions concernant l’annulation du licenciement d’une salariée enceinte.
Principe général
En matière de licenciement, existe une particularité que les employeurs ne doivent pas négliger.
Il s’agit du cas particulier de l’annulation du licenciement prononcé pour une salariée enceinte.
- Un employeur licencie une salariée pour une faute (autre que grave ou lourde) ;
- Le motif du licenciement n’est pas non plus l’impossibilité de maintenir le contrat pour une raison autre que personnelle (licenciement économique par exemple) ;
- Et l’employeur ne sait pas que la salariée est enceinte!
L’annulation du licenciement
Selon les termes de l’article L 1225-5, la salariée dispose à compter de la notification de son licenciement d’un délai de 15 jours pour faire parvenir à son employeur un certificat médical attestant de son état de grossesse, le document doit être envoyé en lettre recommandée avec avis de réception.
Article L1225-5
Le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l'état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.
A savoir...
- Le licenciement est alors annulé et pas simplement différé (Cour de cassation du 20/11/2001 et 07/04/2004) ;
- L’information de l’employeur est réputée effective au jour de l’expédition du certificat médical quelle que soit la date de réception par l’employeur (Cour de cassation du 16/03/1994).
Aussi pour l’adoption
Lorsque l’annulation du licenciement est demandée par une salariée qui adopte, les documents concernés sont alors :
- L’attestation délivrée par le service départemental d’aide sociale à l’enfance ;
- Ou l’œuvre d’adoption autorisée qui a procédé au placement.
Ces deux documents justifiant de l’arrivée de l’enfant dans les 15 jours.
Le délai de 15 jours
- Le délai de 15 jours est un délai « préfix », il ne peut donc être prolongé ;
- Si la salariée dépasse le délai, plus aucune action ne sera recevable en vue d’annuler le licenciement. (Cour de cassation du 17/03/1971) ;
- Le délai court à compter du jour où la notification du licenciement a été portée à la connaissance de la salariée (c'est-à-dire la date de réception de la lettre recommandée avec avis de réception) ;
- Le délai est exprimé en jours calendaires, le jour de la notification ne compte pas (Cour de cassation du 16/06/2004)
Exemple concret
- Supposons un employeur qui notifie le licenciement à une salariée (dont il ignore l’état de grossesse) pour une faute autre que grave ou lourde ou cas de licenciement économique ;
- La lettre est adressée le mardi 1/06/N à la salariée ;
- La salariée accuse réception du courrier le jeudi 03/06/N ;
- Le délai commence à courir à partir du vendredi 04/06/N ;
- Le délai est de 15 jours, il expire alors le vendredi 18/06/N à minuit.