Des salariés non-grévistes qui soutiennent des grévistes ne peuvent être sanctionnés à ce titre

Jurisprudence
Paie Rupture contrat de travail

La Cour de cassation apporte un éclairage intéressant vis-à-vis des sanctions prononcées à des salariés non-grévistes dans le cadre d’un conflit social.

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne plusieurs salariés engagés en qualité de conseillers commerciaux.

A l’issue d'un mouvement de grève qui s'est déroulé du 5 novembre au 4 décembre 2008, ils sont licenciés par lettre du 1er juillet 2009, l’employeur considérant que ces salariés (sans participer au mouvement), avaient incités des salariés à se mettre en grève tout en tenant des propos déplacés vis-à-vis de leur hiérarchie, les faits constituant des fautes suffisantes permettant de prononcer le licenciement pour faute lourde. 

Mais les salariés contestent leur licenciement et saisissent la juridiction prud'homale. 

La Cour d'appel de Paris, à l’occasion de son arrêt du 1er juin 2016, déboute les salariés de leur demande. 

La Cour de cassation ne partage pas le même avis, et décide de casser et annuler l’arrêt, renvoyant les deux parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée. 

Selon la Cour de cassation, les faits reprochés avaient été commis à l’occasion de l’exercice d’un droit de grève.

En effet « la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ».

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait aux salariés de déstabiliser leurs collègues en leur demandant de se mettre en grève et en leur tenant des propos déplacés vis-à-vis de la hiérarchie, ce dont il résultait que les faits étaient commis à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen des pourvois entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif visés par les deuxième et troisième moyens dans le pourvoi n° U 16-21-563 et par le second moyen du pourvoi n° V 16-21-564, ainsi que des chefs de dispositif condamnant l'employeur au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées aux salariés dans la limite de deux mois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils rejettent les demandes en nullité de leur licenciement et condamnent la société (…)  à verser à M. Y... la somme de 28 760,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à M. Z... la somme de 35 600,16 euros au même titre, et en ce qu'ils ordonnent le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées aux salariés dans la limite de deux mois, les arrêts rendus le 1er juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-21563 pourvoi n°16-21564

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente, pour rappeler quelques notions concernant la grève.

Définition

Le droit de grève est un droit fondamental et incontestable.

Il est inscrit dans la Constitution, ainsi qu’à l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

3 conditions cumulatives

Tout arrêt de travail est qualifié de grève si 3 éléments sont cumulativement réunis:

  1. Toute grève doit entraîner la cessation du travail;
  2. Une concertation des salariés qui doit se traduire par une décision commune des salariés d’entamer un mouvement revendicatif ;
  3. Des revendications professionnelles à caractère salarial, ou relatives aux conditions de travail, ou bien encore relatives à l’exercice du droit syndical ou bien encore portant sur la défense de l’emploi.

Un arrêt de travail de plusieurs salariés, sauf…

Est considéré comme illicite la grève qui est le fait d’un seul individu.

Nota : exception à ce principe, reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 décembre 1996 de la Cour de Cassation où un individu qui est le seul employé d’une entreprise s’est vu reconnaître le droit de grève. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant que, si la grève est la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d'appuyer des revendications professionnelles et ne peut, en principe, être le fait d'un salarié agissant isolément, dans les entreprises ne comportant qu'un salarié, celui-ci, qui est le seul à même de présenter et de défendre ses revendications professionnelles, peut exercer ce droit constitutionnellement reconnu ;

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 13 novembre 1996 N° de pourvoi: 93-42247