Ne constitue pas une démission licite, celle exprimée sous la contrainte

Jurisprudence
RH Démission

La Cour de cassation rappelle, dans la présente affaire, les conditions permettant de considérer qu’une démission est recevable : elle doit être l’expression d’une décision libre et non équivoque.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité d'employée de commerce à effet du 10 août 2010 par la société exploitant un supermarché.

Le 19 décembre 2013, la salariée rédige une lettre de démission à effet immédiat qu'elle remet à son employeur.

Le 27 décembre 2013 elle conteste sa démission puis saisit la juridiction prud'homale.

Elle indique en effet qu’elle avait rédigé sa lettre de rupture, tout en rédigeant également une reconnaissance de faits de vol, sous la contrainte de son employeur l’ayant menacé de contacter les services de la gendarmerie à ce titre. 

La Cour d'appel de Rennes, à l’occasion de son arrêt du 7 septembre 2016, déboute la salariée de sa demande, relevant à ce titre que la lettre de démission ne comportait aucune réserve, et avait « été donnée pour convenances personnelles au regard des circonstances dans lesquelles la salariée s'était seule placée ». 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité légale de licenciement, l'arrêt retient que la lettre de démission en date du 19 décembre 2013 ne comporte aucune réserve, a été donnée pour convenances personnelles au regard des circonstances dans lesquelles la salariée s'était seule placée, procède d'une volonté libre, consciente expresse, claire et non équivoque ;

Mais sans grande surprise, la Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Angers.

Elle rappelle à cette occasion :

  • Qu’il avait été constaté que l'acte de démission avait été rédigé par la salariée en même temps qu'un écrit de reconnaissance des faits qui lui étaient reprochés, en présence du directeur ;
  • Dans un contexte de grande fatigue ;
  • Et cela après que le directeur ait indiqué qu'il allait appeler les gendarmes et porter plainte ;
  • Et que, d'autre part que la salariée s'était rétractée quelques jours après ;
  • En sorte que la démission ne pouvait être considérée, libre, claire et non équivoque. 

Extrait de l’arrêt :

qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part que l'acte de démission avait été rédigé par la salariée en même temps qu'un écrit de reconnaissance des faits qui lui étaient reprochés, en présence du directeur, dans un contexte de grande fatigue, et cela après que le directeur ait indiqué qu'il allait appeler les gendarmes et porter plainte, d'autre part que la salariée s'était rétractée quelques jours après, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé libre, claire et non équivoque la démission donnée par Mme X... le 19 décembre 2013 et l'a déboutée en conséquence de ses demandes d'une part en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'autre part au titre de l'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 7 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°17-26794

Commentaire de LégiSocial

 L’affaire que nous abordons aujourd’hui nous permet de rappeler quelques notions de base concernant la démission, et surtout sa « validité ».

Les caractéristiques de la démission

La démission est un acte dont l’initiative appartient obligatoirement au salarié.

Un employeur ne peut pas « demander » au salarié de démissionner, comme le salarié ne peut pas demander « à être licencié ».

Ce sont parfois des termes que l’on entend, mais qui ne sont en aucun cas légalement admissibles.

La démission ne se présume pas.

C’est à celui qui invoque la démission (donc uniquement le salarié) de la prouver.

La démission peut être implicite ou explicite mais les juges hésitent pour la notion implicite.

Principes fondamentaux

  1. La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque ;
  2. La décision doit être réfléchie ;
  3. La démission doit être libre. 

Des précisions

La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque  

De ce fait, les cas suivants ne constituent pas des démissions, et l’employeur ne doit en aucun cas les considérer comme telles :

  • L’absence non justifiée d’un salarié ;
  • Le retour tardif d’un salarié après une suspension du contrat de travail. 

Parfois, ce sont les juges de la Cour de cassation qui ont été amené à requalifier ou non l’absence du salarié comme l’expression d’une démission implicite. 

La démission doit résulter d’une décision libre :

  • Par erreur : exemple de la lettre de démission écrite par un autre salarié, le démissionnaire ne sachant ni lire, ni écrire ;
  • Par dol: le salarié n’avait pas connaissance des conséquences sur les allocations chômage ;
  • Sous la menace : le salarié qui démissionne suite à des menaces ou insultes de son employeur. 

Ainsi, les juges de la Cour de cassation considèrent que la lettre de démission écrite sous la contrainte, dans le bureau du directeur après une discussion et des pressions exercées sur le salarié n’est pas recevable car rédigée sous la menace. 

Arrêt Cour de cassation 26/05/1993 arrêt 90-42188 D

Arrêt Cour de cassation 10/11/1998 arrêt 96-44299 D