Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 3 janvier 2002 selon contrat CDI.
A compter du 1er janvier 2007, il est promu directeur commercial et marketing de la société et de ses filiales.
Le 1er septembre 2010, le salarié saisit la juridiction prud'homale en référé en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur invoquant notamment le non-paiement de ses primes.
Le conseil des prud'hommes s'est déclaré incompétent par ordonnance du 24 septembre 2010.
Finalement, le salarié est licencié pour faute grave le 4 novembre 2010.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant que son licenciement n’est motivé que par sa demande précédente d’une résiliation judiciaire de son contrat.
La Cour d'appel de Paris, déboute le salarié de sa demande par arrêt du 27 juin 2017, mettant en avant le fait que le salarié avait refusé de reprendre le travail, n’ayant bénéficié par ailleurs ni d’un « congé sabbatique », ni d’une quelconque « dispense ».
Le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que, pour déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeter les demandes formées au titre de la nullité du licenciement et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement illicite, l'arrêt retient que depuis 2009, les relations de travail entre le salarié et son employeur s'inscrivaient dans un projet de partenariat avec la société que le salarié devait créer et qu'à ce titre, il bénéficiait d'une grande liberté d'action, que cependant il ne bénéficiait pas d'une dispense d'exercer ses fonctions ni d'un congé sabbatique, qu'après deux mises en demeure du 29 septembre et 4 octobre 2010 de reprendre son travail, il ne s'est présenté que le 11 octobre 2010 et n'établit pas être resté sur place ; que quoi qu'il en soit, après deux mises en demeure de reprendre le travail, son retour à son poste était tardif ;
Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, reprochant au passage à la cour d’appel de n’avoir pas prêté attention au fait que « la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d'avoir saisi le juge des référés en résiliation judiciaire du contrat de travail à l'encontre de la société ».
Ajoutant que « la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse engagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et que le licenciement ne pouvait dès lors être fondé sur une cause réelle et sérieuse ».
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d'avoir saisi le juge des référés en résiliation judiciaire du contrat de travail à l'encontre de la société, la cour d'appel qui devait en déduire que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse engagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et que le licenciement ne pouvait dès lors être fondé sur une cause réelle et sérieuse, a violé les textes susvisés ;
Commentaire de LégiSocial
Fort heureusement nul salarié ne peut se voir infliger la rupture de son contrat de travail en raison d’une précédente demande de résiliation judiciaire, ce que vient d’apprendre un employeur à ses dépens.
Rappelons à cette occasion quelques principes généraux concernant la demande de résiliation judiciaire d’un contrat de travail.
Définition de la résiliation judiciaire
La demande de résiliation judiciaire du contrat par le salarié, consiste à demander au conseil de prud’hommes de prononcer la rupture du contrat de travail.
Cela implique que le contrat de travail continue de produire ses effets tant que le juge ne s’est pas prononcé.
Le salarié poursuit son activité et l’employeur verse toujours la rémunération à son salarié.
Seul le salarié est habilité à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
Demande de résiliation judiciaire suivie d’une prise d’acte
Si un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat puis prend acte de la rupture de son contrat de travail avant que les juges ne se soient prononcés, la demande de résiliation judiciaire devient sans objet.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant ; que s'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, il doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ;
Et attendu que la cour d'appel a décidé que les faits reprochés par le salarié étaient fondés ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation du 31/10/2006 pourvoi 04-46280