Contexte de l'affaire
A la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, l'URSSAF adresse à une société une lettre d'observations mentionnant plusieurs chefs de redressement, suivie, le 4 novembre 2011, d'une mise en demeure.
Contestant la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales, de la contribution patronale au financement de la couverture frais et santé souscrite pour le personnel ETAM, employés et ouvriers, la société saisit d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris, donne raison à l’entreprise dans son arrêt du 16 novembre 2017.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, indiquant que :
- Afin d’ouvrir droit au régime social de faveur, les régimes de mutuelle doivent notamment être « collectifs » ;
- Dans ce cadre, ils doivent couvrir soit tous les salariés, soit une ou plusieurs catégories selon « des caractères objectifs ».
- Selon la Cour de cassation, ne constituent pas un critère objectif les «modalités de la rémunération des salariés d'une entreprise ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour accueillir ce recours, l'arrêt retient essentiellement que le décret du 9 mai 2005 et la circulaire du 30 janvier 2009 qu'invoque l'URSSAF précisent que le caractère collectif du régime implique que la contribution de l'employeur soit fixée à un taux ou à un montant selon les mêmes modalités à l'égard de tous les salariés appartenant à une catégorie objective de personnel ; que cependant, tout comme la convention collective du 28 juin 1993, aucun plafond n'est fixé pour le nombre de catégories à définir ; qu'or suivant l'accord collectif négocié, la société ne distingue pas seulement entre les cadres et les non cadres, mais entre les cadres, les ouvriers chantiers et les ouvriers ateliers de préfabrication regroupés sous l'intitulé "ouvriers travaillant à la tâche", les employés du siège hors ateliers de préfabrication et hors chauffeurs sous celui de "autres salariés" pris comme constituant trois catégories distinctes, et que dans chacune de ces catégories, le taux de participation de l'employeur est bien unique ; que le critère des heures de travail figurant sur les bulletins de paie est inopérant en la matière, les ouvriers à la tâche étant précisément rémunérés au rendement et non en fonction d'heures travaillées ; qu'enfin, si la convention collective prévoit que la rémunération au rendement ne peut avoir pour effet de priver les ouvriers des dispositions conventionnelles notamment en matière d'hygiène, de sécurité et de médecine du travail, elle n'est en rien contredite par la pratique adoptée par la société qui assure tant aux ouvriers travaillant à la tâche qu'aux autres ouvriers, une protection complémentaire ; qu'il ne saurait donc y avoir "privation" au sens précité, même si le taux varie entre les deux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les modalités de la rémunération des salariés d'une entreprise ne constituent pas un critère objectif de nature à fonder des catégories distinctes au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
La mutuelle est considérée comme un régime de « prévoyance » frais de santé.
Les contributions patronales finançant les régimes de prévoyance complémentaire peuvent être exonérées de cotisations sociales dans la limite de plafonds fixés mais pour cela 9 conditions doivent être remplies de façon cumulative.
Exonération des cotisations patronales : 9 conditions à remplir
Les garanties financées par l’employeur au bénéfice des salariés, doivent concerner des prestations complémentaires ou supplémentaires à celles servies par les régimes de base de la Sécurité sociale.
Concrètement, relève de la complémentaire prévoyance la part de la contribution patronale finançant un mécanisme de maintien de salaire résultant d'une décision unilatérale de l'employeur ou du contrat de travail, et qui va donc au-delà du minimum fixé par la loi ou l'accord collectif.
Le bénéfice du régime d’exonération des contributions patronales de prévoyance complémentaire prévoit que les contrats dits de « frais de santé » (frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident) doivent remplir un certain nombre de conditions liées à savoir :
- Des obligations de prise en charge ;
- Des interdictions de prise en charge ;
- L’information des assurés ;
- Le socle minimal et son financement.
Les bénéficiaires des contributions pouvant être exclues de l'assiette des cotisations sont les :
- Salariés ;
- Anciens salariés ;
- Et leurs ayants droit.
Les prestations doivent être versées directement au bénéficiaire (salarié ou ayant-droit en cas de décès) par un organisme habilité (mutuelles, assurances ou institutions de prévoyance).
Une circulaire de la DSS (numéro 2009-32 du 30/01/2009) indique que le régime de prévoyance ne doit avoir pour objectif de se substituer à un élément de rémunération.
La mise en place du régime de prévoyance est possible selon 3 modes, à savoir par convention ou accord collectif, par accord obtenu à la majorité des salariés (référendum) ou par décision unilatérale de l’employeur.
Le régime de prévoyance doit avoir un caractère collectif, ainsi au sein d’une même entreprise la prévoyance peut concerner soit tous les salariés, soit une catégorie (mais dans le respect de critères objectifs).
Dans ce cas, les catégories retenues doivent permettre de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées.
Le régime de prévoyance doit avoir un caractère obligatoire, autorisant toutefois quelques cas de « dispense ».
Un régime est dit « obligatoire » lorsque la totalité des salariés est dans l’obligation de s’y affilier et de cotiser à la couverture mise en place au sein de l’entreprise.
En principe, cette condition s’applique même en cas de suspension du contrat de travail des salariés.