Un salarié inapte professionnellement ouvre droit à l’indemnité spéciale en cas de résiliation judiciaire

Jurisprudence
RH Indemnité de licenciement

La rupture du contrat par procédure de résiliation judiciaire, ouvre droit au salarié inapte de façon professionnelle au paiement de l’indemnité « spéciale » de licenciement.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée le 1er février 2001 en qualité de secrétaire comptable.

Se plaignant de manquements de l'employeur à ses obligations, elle saisit la juridiction prud'homale en résiliation de son contrat de travail le 23 mars 2012.

Après avoir été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue de deux examens des 7 et 21 décembre 2012, la salariée est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 janvier 2013.

La salariée saisit la juridiction prud’homale réclamant le paiement de l’indemnité spéciale prévue en cas d’inaptitude professionnelle.

Pour l’employeur, la situation dans laquelle se trouve la salariée la prive de cette indemnité, en effet il considére que cette indemnité n’est due qu’en cas de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement et non en cas de rupture prononcée dans le cadre d’une résiliation judiciaire. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de la somme de 6 265,09 euros au titre de l'indemnité spécifique de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail alors, selon le moyen, que l'indemnité spéciale de licenciement n'est due que dans le cas du licenciement prononcé en raison de l'impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail ; qu'en allouant cette indemnité à la salariée, dont le contrat n'a pas été rompu en raison d'un licenciement prononcé par l'employeur pour inaptitude mais à la suite de la demande de résiliation judiciaire présentée par celle-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ; 

Mais ni la cour d’appel, ni la Cour de cassation ne sont sensibles aux arguments de l’employeur.

Les deux cours considèrent en effet qu’un

  • Salarié déclaré inapte de façon professionnelle ;
  • Ayant obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
  • Ouvre droit au paiement de l’indemnité égale au double de l’indemnité légale de licenciement.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant constaté que l'inaptitude de la salariée était consécutive à un accident du travail, la cour d'appel qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit que celle-ci produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a décidé à bon droit que l'employeur était redevable de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°17-17744

Commentaire de LégiSocial

Rappel chiffrage indemnité légale de licenciement

Motifs

Détermination de l’indemnité de licenciement

Licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement 

(½ *Salaire de référence*ancienneté jusqu’à 10 ans) + (2/3 *Salaire de référence*(pour les années au-delà de 10 ans))

(Aucune condition d'ancienneté n'est requise en cas d’inaptitude professionnelle. Cour de cassation du 10/11/1988, pourvoi n° 86-41100, 25/05/1994, pourvoi n° 91-40442)

Seule l’inaptitude d’origine professionnelle donne lieu au versement d’une indemnité spécifique (indemnité spéciale).

Seule l’indemnité légale est « doublée », l’indemnité de licenciement conventionnelle n’a en aucun cas l’obligation d’être doublée (Cour de cassation du 22/02/2000, arrêt 98-40.137 et Cour de cassation du 25/03/2009, arrêt 07-41.708)

Article L1234-9

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 39

Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Article R1234-2 

Modifié par Décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017 - art. 2

L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

NOTA : 

Conformément à l'article 4 du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements et mises à la retraite prononcés et aux ruptures conventionnelles conclues postérieurement à sa publication.

Article L1226-14

La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Retenir l’indemnité conventionnelle éventuellement

Un arrêt important a été rendu à ce sujet par la Cour de cassation, selon lequel l’indemnité conventionnelle (non doublée) doit être versée en lieu et place de l’indemnité spéciale (soit l’indemnité légale doublée) lorsque la valeur conventionnelle est supérieure à la valeur légale doublée.

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article L. 122-32-6 du Code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au quatrième alinéa de l'article L. 122-32-5 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 122-9 ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'indemnité conventionnelle versée à la salariée était d'un montant supérieur et donc plus favorable à celui de l'indemnité légale doublée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-32-6 du Code du travail ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée tendant à voir fixer sa créance au titre d'un complément de l'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt rendu le 21 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 10 mai 2005 N° de pourvoi: 03-44313