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Arrêt de la Cour de cassation du 16/02/1994
Présentation du contexte
Un salarié, ouvrier du BTP, réclame le paiement d’une indemnité compensatrice repas, au titre :
- De repas qu’il s'était abstenu de prendre, tandis qu'il travaillait sur un chantier de l'entreprise, en raison de convictions religieuses.
Arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation déboutait le salarié de sa demande, indiquant à cette occasion que « l'accord collectif applicable disposant que l'indemnité de repas a pour objet d'indemniser le supplément de frais occasionné par le prix du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier, et qu'elle n'est pas due par l'employeur lorsque le repas est fourni gratuitement, le salarié qui, pour des raisons personnelles, ne prend pas le repas fourni gratuitement par l'employeur, ne peut prétendre à une compensation ».
Extrait de l’arrêt :
Attendu que M. X..., employé de la société (…) fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Vierzon, 29 octobre 1990) d'avoir rejeté sa demande en paiement de la somme de 684 francs à titre d'indemnité de repas correspondant à dix-huit repas de midi qu'il s'est abstenu de prendre au cours de la période d'avril-mai 1989, tandis qu'il travaillait sur un chantier de l'entreprise, alors, selon le premier moyen, que s'il n'a pas pris pendant cette période le repas fourni gratuitement par l'employeur, c'était pour respecter sa religion et que la disposition de la convention collective, en vertu de laquelle l'indemnité de repas n'est pas due par l'employeur lorsque le repas est fourni gratuitement, ne s'applique pas au salarié qui déplace son heure de repas, et alors, selon le second moyen, que le jugement, qui l'a ainsi pénalisé en raison de son culte et de l'accomplissement de ses rites, n'a pas respecté les Droits de l'Homme ;
Mais attendu que, selon l'article 5 de l'annexe VII à l'accord national du 21 octobre 1954 concernant les ouvriers du bâtiment, l'indemnité de repas a pour objet d'indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier, et qu'elle n'est pas due par l'employeur lorsque le repas est fourni gratuitement ;
Et attendu que le salarié qui, pour des raisons personnelles, ne prend pas le repas fourni gratuitement par l'employeur, ne peut prétendre à une compensation ;
Que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 16 février 1994
N° de pourvoi: 90-46077 Publié au bulletin
Arrêt de la Cour de cassation du 18/05/1999
Présentation du contexte
2 salariés d’une entreprise saisissent la juridiction prud’homale, soutenant que l'employeur, en accordant une participation financière aux seuls salariés prenant leur repas au restaurant d’entreprise, introduisait une discrimination contraire au principe de l'égalité des rémunérations.
À ce titre, les salariés demandent le paiement d'une somme représentant le montant de la participation de l'employeur aux frais de repas du personnel.
Arrêt de la Cour de cassation
Contredisant au passage l’arrêt rendu par la cour d’appel, la Cour de cassation déboutaient les salariés de leur demande.
Elle indique à cette occasion que :
- L’employeur avait subordonné sa participation financière aux frais de repas à la condition que les salariés prennent leur repas dans le restaurant désigné par lui, ce restaurant était ouvert à tous les salariés, libres de l'utiliser ou non et en conséquence de bénéficier ou non, selon leur choix, de l'avantage ainsi octroyé ;
- Qu’il en résulte que les modalités de l'avantage en nature ne constituent pas une mesure discriminatoire à l'égard des salariés qui, bénéficiant, en outre, de la mise en place d'un réfectoire au sein de l'entreprise, se plaçant volontairement en dehors du champ d'application de l'engagement unilatéral de l'employeur, décident de ne pas recourir aux services de ce restaurant.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que, pour condamner l'employeur à verser aux salariés une somme au titre de sa participation aux frais de repas, la cour d'appel a retenu que l'employeur, en accordant aux seuls salariés fréquentant le restaurant de (…) une participation financière refusée à ceux qui ne désirent pas fréquenter ce restaurant, introduit une discrimination qui viole le principe de l'égalité des rémunérations dans la mesure, où même facultative, l'obligation de la (…) d'accorder cet avantage en nature doit être le même pour tous les salariés de la (…) et ce d'autant que le restaurant imposé par celle-ci n'est pas un restaurant d'entreprise, que par ailleurs, aucune raison objective, telle l'éloignement, ne justifie l'inégalité de traitement et qu'enfin la mise en place d'un réfectoire ne dispense pas la (…) d'accorder à tous ses salariés, sans leur imposer aucun choix, une participation financière égale ;
Attendu, cependant, que ne viole pas la règle " à travail égal, salaire égal ", énoncée par les articles L. 133-5.4° et L. 136-2.8° du Code du travail et ne constitue pas une mesure discriminatoire, le fait pour un employeur de subordonner l'octroi d'un avantage en nature résultant d'un engagement unilatéral de sa part, à des conditions particulières dès lors que tous les salariés de l'entreprise peuvent bénéficier, dans les mêmes conditions, de l'avantage ainsi accordé ;
Et attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que si l'employeur avait subordonné sa participation financière aux frais de repas à la condition que les salariés prennent leur repas dans le restaurant désigné par lui, ce restaurant était ouvert à tous les salariés, libres de l'utiliser ou non et en conséquence de bénéficier ou non, selon leur choix, de l'avantage ainsi octroyé ; qu'il en résulte que les modalités de l'avantage en nature ne constituent pas une mesure discriminatoire à l'égard des salariés qui, bénéficiant, en outre, de la mise en place d'un réfectoire au sein de l'entreprise, se plaçant volontairement en dehors du champ d'application de l'engagement unilatéral de l'employeur, décident de ne pas recourir aux services de ce restaurant ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, la règle susvisée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 13 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 18 mai 1999
N° de pourvoi: 98-40201 98-40202 Publié au bulletin
En conclusion
- Lorsque le salarié décide de ne pas consommer le repas que l’employeur met à sa disposition ;
- L’employeur n’est alors pas dans l’obligation de lui verser une indemnité compensatrice, compte tenu du fait que l’employeur a satisfait à ses obligations en mettant le repas à disposition du salarié.
Sécuriser la pratique
À notre sens, il serait souhaitable, afin de sécuriser la présente pratique de l’employeur :
- De rédiger un document, signé par le salarié, dans lequel celui-ci renonce au bénéfice de l’avantage en nature repas ;
- N’ouvrant alors pas droit au paiement d’une indemnité compensatrice à ce titre.
En revanche, il nous semble assez prudent de verser une indemnité compensatrice dans le cas particulier où le salarié n’aurait pas eu l’occasion de consommer le repas pour des « raisons médicales », au risque alors de pénaliser le salarié en raison de son état de santé…