Le flirt au travail peut contredire un harcèlement sexuel

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 1er octobre 1983 et exerce en dernier lieu la fonction de chef des ventes.

Il est licencié pour faute grave par lettre du 5 juin 2009.

Une subordonnée avait dénoncé auprès de son employeur des actes qu'elle qualifiait de harcèlement sexuel et dont elle aurait été victime de la part de son supérieur.

A l'appui de son témoignage, elle fait valoir qu'elle a été en arrêt maladie et traitée pour dépression à la suite de ces agissements.

Elle produit le procès-verbal de la réunion du CHSCT reconnaissant sa position de "victime".

Extrait de l’arrêt :

(…) que pour établir le harcèlement sexuel la société O…a produit le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 24 septembre 2009 reconnaissant la position de « victime » de Mme Y..., l'arrêt de maladie et le traitement antidépresseur suivi par cette dernière pris quelques jours après le baiser forcé que lui a fait subir M. X..., ainsi que des courriels du chef de vente dans lesquels ce dernier employait un vocabulaire déplacé et encourageait une proximité affective tendancieuse vis-à-vis de sa subordonnée 

Par la suite, l’employeur se base sur ces affirmations et procède au licenciement du supérieur hiérarchique, sans même demander d’explications à ce dernier.

Le salarié conteste son licenciement et saisit la juridiction prud’homale.

Dans son argumentation, il produit de nombreux courriels dans lesquels semble démontrée une relation pour le moins amicale partagée par le supérieur hiérarchique et sa subordonnée. 

Extrait de l’arrêt : 

Mme Y...ne s'explique pas sur le fait que la familiarité dont l'entreprise fait grief à M. X...apparaît, pour le moins, largement partagée entre les deux intéressés, au vu des différents courriels versés aux débats, qu'elle a dressés à son supérieur en les terminant par des formules particulièrement affectueuses, telles que par exemples : « Merci pour ton coup de fil de ce matin, il m'a fait du bien. Bonne journée, j'espère pour toi. Bizzz », « Bonne journée. Bisou », « Bisou, cheffffffff », « voilà, voilà, chef. Bonne reprise Bizzzzz » et enfin un mail se terminant par « Bien à toi et bonne soirée », daté du 14 avril 2009, soit de l'époque à laquelle Mme Y...s'est plainte auprès de la direction des ressources d'un harcèlement qui avait commencé, selon elle, dès son embauche dans l'entreprise en août 1999 ;

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, considérant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, et les juges rejettent le pourvoi. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, sans sortir des limites du litige, la cour d'appel a retenu que les seuls actes établis à l'encontre du salarié s'inscrivaient dans le cadre de relations de familiarité réciproques avec la personne qui s'en plaignait ; qu'elle a pu en déduire qu'ils ne caractérisaient pas une faute grave et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-11787

Le harcèlement sexuel selon le Code du travail 

Suite à la loi du 6 août 2012, de nombreux articles du Code du travail ont été modifiés.

Ainsi, est qualifié de harcèlement sexuel les agissements de la personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, impose des contraintes ou exerce des pressions de toute nature sur une salariée dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles. 

Article L1152-1 

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Article L1153-1 

Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7

Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.  

Article L1153-2 

Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.

Article L1153-3 

Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7

Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.

Article L1153-5 

Modifié par LOI n°2012-954 du 6 août 2012 - art. 7

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.

Le texte de l'article 222-33 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.

Et pour l’affaire présente ? 

La position de la cour d’appel puis de la Cour de cassation est claire dans l’affaire présente.

Dans les faits présentés, les pressions et contraintes n'étaient pas rapportées, compte tenu des relations pour le moins amicales qui existaient entre la salariée et son supérieur hiérarchique.

Conséquence directe, le licenciement pour faute grave est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

La loi sur le harcèlement sexuel 

La récente loi sur le harcèlement sexuel a des conséquences importantes, nous avons consacré un article à ce sujet, que vous pouvez consulter en cliquant ici.  

LOI n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, JORF n°0182 du 7 aout 2012 

Confirmation de jurisprudence 

Le présent arrêt rappelle une affaire, dans laquelle une salariée avait pleinement et manifestement adhéré à un « mode de rencontre » consistant en des rendez-vous dans des restaurants et hôtels de standing avec son supérieur hiérarchique, la Cour de cassation a jugé qu’il n’y avait pas eu de harcèlement sexuel. 

Extrait de l’arrêt 

Mais attendu que la cour d'appel qui n'avait pas à suppléer la carence des parties dans l'établissement de la preuve qui leur incombe, a retenu que compte tenu des courriels échangés par la salariée, du standing relatif du lieu de rendez-vous approprié aux parties, la salariée, qui adhérait à ce mode de rencontre, n'établissait pas de fait faisant présumer l'existence d'un harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Cour de cassation du 25/09/2012, pourvoi 11-17542

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