Attention de ne pas fixer des objectifs irréalistes à un salarié !

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé à compter du 5 décembre 2011 en qualité d'agent commercial.

Il est licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 15 mars 2013, son employeur lui reprochant de ne pas avoir atteint les objectifs fixés.

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale estimant son licenciement injustifié. 

La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt du 15 septembre 2016, donne raison au salarié.

Cet arrêt est confirmé par la Cour de cassation qui estiment que « l'insuffisance de résultats n'était pas imputable au salarié mais au caractère irréaliste des objectifs fixés par l'employeur ainsi qu'au défaut de conseil et d'accompagnement apportés au salarié ». 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que l'insuffisance de résultats n'était pas imputable au salarié mais au caractère irréaliste des objectifs fixés par l'employeur ainsi qu'au défaut de conseil et d'accompagnement apportés au salarié, a décidé, dans l'exercice du pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°16-25689

Commentaire de LégiSocial

Le présent arrêt de la Cour de cassation invite les employeurs à agir avec grande prudence dans la rédaction d’une clause d’objectifs, dont nous rappelons ci-après quelques notions importantes à nos yeux… 

Principe et objectif

Le contrat de travail peut organiser une variation future de la rémunération dés lors que les modalités de variation sont clairement définies dans le contrat.

Les objectifs peuvent être : 

  • Quantitatif : chiffre d’affaires réalisé, nombre de contrats réalisés, quantité de produits vendus, etc. ;
  • Qualitatif : mise en place d’une organisation, réalisation d’un projet, taux de marge, taux satisfaction clientèle, etc.

7 Conditions de validité ?

Ce sont les différents arrêts de jurisprudence qui ont délimité les conditions de validité de cette clause.

On peut en dénombrer 7 ::

1/ L’employeur doit respecter les minimas légaux

En aucun cas, l’employeur ne pourra rémunérer son salarié en deçà du SMIC mensuel (si le salarié est à temps plein) ou d’un minimum conventionnel par l’application de cette clause.

2/ Risques

L’employeur ne doit pas faire peser sur le salarié les risques de l’entreprise (par exemple : imputer au salarié les pertes comptables)

3/ Transparence des calculs

L’employeur doit être capable de justifier les différents calculs aboutissant au chiffrage de la prime d’objectif déterminée par la clause.

4/ Pas de calculs basés sur certaines valeurs

Il est interdit de baser les calculs sur :

  • Le niveau général des prix ;
  • L’indice INSEE ;
  • La valeur du SMIC horaire ;
  • Un nombre de kilomètres parcourus (afin de ne pas porter atteinte à la santé ou sécurité du salarié). 

À consulter, une actualité abordant un arrêt de la Cour de cassation sur l’indexation d’une rémunération sur l’indice INSEE, en cliquant ici.

5/ Critères d’évaluation indépendants de la volonté de l’employeur

Il n’est pas autorisé de prévoir une modification de façon discrétionnaire des éléments de calculs de la rémunération variable prévue sur le contrat de travail.

6/ Respect de la convention collective

Comme toutes les clauses du contrat de travail, la clause d’objectif doit respecter les dispositions conventionnelles.

7/ Pas de rupture si les objectifs ne sont pas réalisés

L’employeur n’a pas le droit de prévoir une rupture automatique du contrat de travail (clause couperet) si les objectifs ne sont pas réalisés.

Cour de cassation du 14/11/2000 n° 98-42371

Si un contentieux intervient, ce sont les juges qui décideront si le fait incriminé doit faire l’objet ou non d’un licenciement, dans le respect de l’article L 1235-1 du Code du travail (modifié par la loi dite « Macron »).

Article L1235-1

Modifié par LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 - art. 258 (V)

En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l'article L. 1411-1, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d'orientation proposer d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié.

Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre.

A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Le juge peut prendre en compte un référentiel indicatif établi, après avis du Conseil supérieur de la prud'homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. 
Ce référentiel fixe le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée, en fonction notamment de l'ancienneté, de l'âge et de la situation du demandeur par rapport à l'emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. 
Si les parties en font conjointement la demande, l'indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel.

Si un doute subsiste, il profite au salarié.