Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'agent de sécurité le 26 février 2007.
Il est licencié par lettre recommandée envoyée le 22 avril 2013, mais saisit la juridiction prud’homale, demandant à cette occasion que son licenciement soit requalifié sans cause réelle et sérieuse.
De façon plus détaillée, les faits sont les suivants :
- Le salarié conteste son licenciement au motif qu'il n'a pas reçu la lettre lui notifiant son licenciement;
- De son côté, l’employeur produit aux débats l'enveloppe qui contenait la lettre de licenciement, attestant que le courrier avait bien été expédié à l'adresse exacte du salarié ;
- Mais ce n’est pas ce point que conteste le salarié, car l’adresse mentionnée sur l'avis de réception, n’est pas la bonne ce qui a conduit d’ailleurs les services postaux à retourner le courrier à l'entreprise portant la mention "adresse erronée".
Extrait de l’arrêt :
(…) QUE la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le délai d'un mois à partir de la date de l'entretien préalable ; qu'à défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en considérant que la procédure de licenciement avait été respectée après avoir relevé que la lettre de notification du licenciement dont l'accusé de réception du recommandé portait l'indication d'une adresse erronée, avait été retournée à son expéditeur et, partant, n'avait pas été reçue par le salarié,
Dans un premier temps, la Cour d'appel de Paris déboute le salarié de sa demande dans son arrêt du 3 février 2016.
Elle estime en effet que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, car :
- L’employeur justifiait, par la production de l’enveloppe dans laquelle se trouvait la notification du licenciement, que le courrier avait bien été expédié à l’adresse du salarié ;
- Peu importait que l’adresse qui figurait sur le formulaire d’accusée de réception ait été erronée.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel retient que l'employeur justifie, par la production de l'enveloppe dans laquelle elle se trouvait, que la lettre de licenciement avait été expédiée à l'adresse exacte du salarié et estime qu'il importe peu que celle qui figurait sur le formulaire d'accusé de réception ait été erronée ;
Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant d’ailleurs les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.
Du fait que le salarié n’avait pas reçu la lettre de licenciement, celui-ci devait être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ces constatations que le salarié n'avait pas reçu la lettre de licenciement dont l'enveloppe était produite par l'employeur et que l'employeur avait commis une erreur dans le libellé de l'adresse figurant sur le formulaire du recommandé avec avis de réception la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. Y... de ses demandes de dommages et intérêts pour atteinte au droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 3 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation nous permet de rappeler quelques raisons pour lesquelles le licenciement peut être reconnu « sans cause réelle et sérieuse » (ou injustifié ou abusif).
Les principales raisons
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le licenciement peut être considéré sans cause réelle et sérieuse :
- Lorsque le motif énoncé dans la lettre de licenciement n’est pas valable ;
- Le motif du licenciement repose sur des faits dont l’existence reste douteuse pour les juges ;
- Le motif du licenciement n’est pas suffisamment grave pour rompre le contrat de travail ;
- L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.
Quelques cas particuliers
Selon la Cour de cassation, certaines règles de procédure s’apparentent à des « règles de fond ».
C’est ainsi que des licenciements qui semblent être « irréguliers », et pour lesquels les règles de procédure non respectées sont de très grande importance, deviennent réellement des licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples qui peuvent être proposés sont les suivants :
Le licenciement pour motif disciplinaire est prononcé plus d’un mois après l’entretien préalable
Dans ce cas, c’est l’article L 1332-2 du code du travail qui n’est pas respecté.
Article L1332-2
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48
Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.
Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.
La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
La Cour de cassation s’est également prononcée sur cette situation particulière.
Cour de cassation du 16/03/1995, pourvoi 90-41213
Cour de cassation du 21/03/2000 pourvoi 98-40345
Notification imprécise du licenciement
Extrait de l’arrêt
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur n'avait énoncé dans la lettre de notification du licenciement, prononcé à titre disciplinaire, aucun motif précis, ce qui équivalait à une absence de motif, la cour d'appel a violé le texte susvisé
Cour de cassation du 29/11/1990 pourvoi 88-44308
Extrait de l’arrêt
Mais attendu que l'insuffisance des motifs de licenciement énoncés dans la lettre de licenciement ayant pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation du 17/01/2001, pourvoi 98-46447
Licenciement « verbal »
Extrait de l’arrêt
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis, d'indemnité de clientèle de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de régularisation de points retraite sur le préavis et de remise d'une lettre de licenciement, la cour d'appel a énoncé que le salarié s'était considéré comme licencié, bien qu'il n'ait jamais
reçu, comme l'exige la législation française, notification officielle de la rupture et qu'ainsi la rupture a eu lieu à l'initiative du salarié ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'employeur avait notifié verbalement à l'intéressé son licenciement avec effet au 31 décembre 1979, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Cour de cassation du 30/09/1992 pourvoi 88-44080
Licenciement notifié à la mauvaise adresse
Précisons dans ce cas, que l’erreur commise est du fait de l’employeur (comme dans l’affaire présente !).
Extrait de l’arrêt
Attendu que l'employeur par ses représentants légaux fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2002) d'avoir décidé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la notification constitue seulement une inobservation de la procédure, qui ne dispense pas les juges d'apprécier la réalité et le sérieux des motifs qu'il contient ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié n'avait pas reçu notification de la lettre de licenciement en raison d'une erreur de l'employeur quant à son adresse, a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation du 7/07/2004 pourvoi 02-43100
Le non-respect de certaines procédures conventionnelles
Concrètement, sont visées certaines procédures prévues par la convention collective applicable dans l’entreprise.
La Cour de cassation considère alors qu’il ne s’agit pas d’une irrégularité de procédure (dans ce cas, le licenciement serait considéré comme irrégulier) mais bel et bien d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Les exemples sont nombreux, nous vous proposons les références suivantes :
Cour de cassation du 5/03/2010, pourvoi 08-42844 ;
Cour de cassation du 21/10/2008, pourvoi 07-42170 ;
Cour de cassation du 18/05/2011, pourvoi 09-72787 ;
Cour de cassation du 27/03/2013, pourvoi 11-20737.
Le non-respect de l’engagement de l’employeur lors d’un licenciement économique
L’affaire concernait un salarié qui avait adhéré à une convention de congé de reconversion après avoir signé un protocole d’accord stipulant qu’un cabinet de reclassement devait proposer au minimum 3 offres d’emploi valables par salarié.
Licencié au terme du congé de conversion, sans avoir eu d’offres d’emploi, le salarié saisit la juridiction prud’homale.
La Cour de cassation considère que le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cour de cassation du 30/09/2013 pourvoi 12-13439
Nota : depuis les ordonnances Macron, l’irrégularité de procédure (sauf exceptions) ne conduit plus à la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais à un licenciement irrégulier.
Lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise
Prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, celui pour lequel la lettre de licenciement est signée par une personne étrangère à l’entreprise.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a relevé que la lettre de licenciement était signée par une personne étrangère à l'entreprise ; qu'elle en a exactement déduit que le licenciement prononcé dans ces conditions était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Cour de cassation du 26/04/2006, pourvoi 04-42860